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Texte à méditer :  L'histoire du monde est le tribunal du monde.
  
Schiller
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Hors des sentiers battus
Croyance et réalité
  "Ce qui me distingue d’un homme superstitieux, c'est donc ceci : Je ne crois pas qu'un événement, à la production duquel ma vie psychique n'a pas pris part, soit capable de m'apprendre des choses cachées concernant l'état à venir de la réalité ; mais je crois qu'une manifestation non-intentionnelle de ma propre activité psychique me révèle quelque chose de caché qui, à son tour, n'appartient qu'à ma vie psychique ; je crois au hasard extérieur (réel), mais je ne crois pas au hasard intérieur (psychique). C’est le contraire du superstitieux : il ne sait rien de la motivation de ses actes accidentels et actes manqués, il croit par conséquent au hasard psychique ; en revanche, il est porté à attribuer au hasard extérieur une importance qui se manifestera dans la réalité à venir, et à voir dans le hasard un moyen par lequel s'expriment certaines choses extérieures qui lui sont cachées. Il y a donc deux différences entre l'homme superstitieux et moi : en premier lieu, il projette à l'extérieur une motivation que je cherche à l'intérieur ; en deuxième lieu, il interprète par un événement le hasard que je ramène à une idée. Ce qu'il considère comme caché correspond chez moi à ce qui est inconscient, et nous avons en commun la tendance à ne pas laisser subsister le hasard comme tel, mais à l'interpréter."
 
Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, 1901, tr. fr. S. Jankélévitch, Petite bibliothèque Payot, p. 275-276.


  "M. Vinteuil connaissait peut-être la conduite de sa fille, il ne s'ensuit pas que son culte pour elle en eût été diminué. Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent infliger les plus constants démentis sans les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succédant sans interruption dans une famille, ne la fera pas douter de la bonté de son Dieu ou du talent de son médecin."

 

Proust, Du côté de chez Swann, 1913, Combray II, Quarto Gallimard, p. 124.



  "Il est important de distinguer le concept de degré de réalité en psychologie du concept épistémologique de réalité. Pour le concept épistémologique il n'y a pas différents degrés de réalité. Un intermédiaire entre l'existence et la non-existence n'est pas possible. Les objets psychologiquement « irréels » sont réels pour la psychologie dans un sens épistémologique dans la mesure où ils existent, ils ont des effets. Il faut encore souligner que la réalité physique de l'objet en question n'est pas décisive pour le degré de réalité psychologique. Le primitif ou l'enfant qui vit dans un « monde magique » croit en des faits qui, d'un point de vue psychologique, sont réels."

 

Kurt Lewin, Principles of topological psychology, 1936, Chapter XVIII, tr. Pierre-Jean Haution, 2013, Read Books, p. 311-312.

 

  "It is important to distinguish the concept of degree of reality in psychology from the epistemological concept of reality. For the epistemological concept there are no different degrees of reality. An intermediate between existence and non-existence is not possible. The psychologically “irreal” objects are real for psychology in an epistemological sense ; that is they exist, they have effects. It must further be emphasized that the physical reality of the object concerned is not decisive for the degree of psychological reality. For the primitive or the child living in a “magic world” those facts which are believed are real."

 

Kurt Lewin, Principles of topological psychology, 1936, Chapter XVIII, tr. Fritz Heider, 2013, Read Books, pp. 311-312.



  "La tromperie n'entre jamais en conflit avec la raison, car les choses auraient pu se passer effectivement de la façon dont le menteur le prétend. Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir d'avance ce que le public souhaite entendre ou s'attend à entendre. Sa version a été préparée à l'intention du public, en s'attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de nous mettre en présence de l'inattendu, auquel nous n'étions nullement préparés.
  En temps normal, la réalité, qui n'a pas d'équivalent, vient confondre le menteur. Quelle que soit l'ampleur de la trame mensongère que peut présenter le menteur expérimenté, elle ne parviendra jamais, même avec le concours des ordinateurs, à recouvrir la texture entière du réel.Le menteur, qui pourra peut-être faire illusion, quel que soit le nombre de ses mensonges isolés, ne pourra le faire en ce qui concerne le principe même du mensonge. C'est là une des leçons que l'on pourrait tirer des expériences totalitaires, et de cette effrayante confiance des dirigeants totalitaires dans le pouvoir du mensonge – dans leur aptitude, par exemple, à réécrire sans cesse l'histoire, à adapter l'interprétation du passé aux nécessités de la « ligne politique » du présent, ou à éliminer toutes les données qui ne cadrent pas avec leur idéologie. Ainsi, ils prouveront que, dans un système d'économie socialiste, il n'existe pas de chômage en refusant de reconnaître son existence ; dès lors, un chômeur n'est plus qu'une entité non existante.
  Les résultats de telles expériences, effectuées par des hommes disposant des moyens de la violence, sont assez effrayants, mais ils ne disposent pas du pouvoir d'abuser indéfiniment. Poussé au-delà d'une certaine limite, le mensonge produit des résultats contraires au but recherché ; cette limite est atteinte quand le public auquel le mensonge est destiné est contraint, afin de pouvoir survivre, d'ignorer la frontière qui sépare la vérité du mensonge. Quand nous sommes convaincus que certaines actions sont pour nous d'une nécessité vitale, il n'importe plus que cette croyance se fonde sur le mensonge ou la vérité ; la vérité en laquelle on peut se fier disparaît entièrement de la vie publique, et avec elle disparaît le principal facteur de stabilité dans le perpétuel mouvement des affaires humaines."

 

Hannah Arendt, "Du mensonge en politique", 1969, in Du mensonge à la violence, tr. Fr. Guy Durand, Pocket, 1994, p. 10-12.


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Date de création : 05/08/2011 @ 13:14
Dernière modification : 15/02/2014 @ 13:44
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