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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
Le beau

   "Celui qui, en effet, sur la voie de l’instruction amoureuse, aura été par son guide mené jusque-là, contemplant les beaux objets dans l’ordre correct de la gradation, celui-là aura la soudaine vision d’une beauté dont la nature est merveilleuse ; beauté en vue de laquelle justement s’étaient déployés tous nos efforts antérieurs : beauté dont, premièrement, l’existence est éternelle, étrangère à la génération comme à la corruption, à l’accroissement comme au décroissement, qui, en second lieu, n’est pas belle à ce point de vue et laide à un autre, pas davantage à tel moment et non à tel autre, ni non plus belle en comparaison avec ceci, laide en comparaison avec cela, ni non plus belle en tel lieu, laide en tel autre, en tant que belle pour certains hommes, laide pour certains autres ; pas davantage encore cette beauté ne se montrera à lui pourvue, par exemple, d’un visage, ni de mains, ni de quoi que ce soit d’autre qui soit une partie du corps ; ni non plus sous l’aspect de quelque raisonnement ou encore de quelque connaissance ; pas davantage comme ayant en quelque être distinct quelque part son existence, en un vivant par exemple, qu’il soit de la terre ou du ciel, ou bien en quoi que ce soit d’autre ; mais bien plutôt elle se montrera à lui, en elle-même et par elle-même, éternellement unie à elle-même dans l’unicité de sa nature formelle, tandis que les autres beaux objets participent tous de la nature dont il s’agit en une telle façon que, ces autres objets venant à l’existence ou cessant d’exister, il n’en résulte dans la réalité dont il s’agit aucune augmentation, aucune diminution, ni non plus aucune sorte d’altération. Quand donc, en partant des choses d’ici-bas, en recourant, pour s’élever, à une droite pratique de l’amour des jeunes gens, on a commencé d’apercevoir cette sublime beauté, alors on a presque atteint le terme de l’ascension. Voilà quelle est la droite méthode pour accéder de soi-même aux choses de l’amour ou pour y être conduit par un autre : c’est, prenant son point de départ dans les beauté d’ici-bas avec, pour but, cette beauté surnaturelle, de s’élever sans arrêt, comme au moyen d’échelons : partant d’un seul beau corps de s’élever à deux, et, partant de deux de s’élever à la beauté des corps universellement ; puis, partant des beaux corps, de s’élever aux belles occupations ; et, partant des belles occupations, de s’élever aux belles sciences,jusqu’à ce que, partant des sciences, on parvienne, pour finir, à une science sublime, qui n’est science de rien d’autre que de ce beau surnaturel tout seul, et qu’ainsi, à la fin, on connaisse, isolément, l’essence même de beau."


Platon, Le Banquet (384 av. J.-C.), 211a, in Œuvres complètes, tome 1, trad. L. Robin, "La Pléïade", Gallimard, 1950.


   " « Qu'aimons-nous, si ce n'est le beau ? Qu'est-ce donc que le beau ? Qu'est-ce que la beauté ? Qu'est-ce qui nous charme et nous attache aux objets que nous aimons ? S'il n'y avait en eux une beauté, un éclat, ils ne nous attireraient aucunement. » Et je remarquais, je voyais que, dans les corps, il faut distinguer le beau qui est une sorte de tout harmonieux et le convenable qui résulte d'une juste appropriation, comme une partie du corps s'accorde avec l'ensemble de l'organisme ou une chaussure avec le pied et autres choses semblables."


Augustin, Les Confessions, Livre III, chapitre 1, trad. Joseph Trabucco, Garnier-Flammarion, 1978, p. 78-79.



    "La différence [...] est très vaste entre le jugement et le sentiment. Tout sentiment est juste, parce que le sentiment n'a référence à rien au-delà de lui-même et qu'il est partout réel où l'homme en est conscient. Mais toutes les déterminations de l'entendement ne sont pas justes, parce qu'elles portent référence à quelque chose au-delà d'elles-mêmes, c'est-à-dire, à la réalité, et qu'elles ne sont pas toujours conformes à cette norme. [...] Au contraire, un millier de sentiments différents, excités par le même objet, sont justes, parce qu'aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l'objet. Il marque seulement une certaine conformité ou relation entre l'objet et les organes ou facultés de l'esprit, et si cette conformité n'existait pas réellement, le sentiment n'aurait pu selon toute possibilité exister. La beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes,elle existe seulement dans l'esprit qui la contemple, et chaque espritreçoit une beauté différente. Une personne peut même percevoir de la difformité là où une autre perçoit de la beauté ; et tout individu devraitêtre d'accord avec son propre sentiment, sans prétendre régler ceux des autres."

Hume, Essais esthétiques, deuxième partie, 3, page 86.


 

    "De même, c'est la perception des rapports qui a donné lieu à l'invention du terme beau ; et selon que les rapports et l'esprit des hommes ont varié, on a fait les noms joli, beau, charmant, grand, sublime, divin, et une infinité d'autres, tant relatifs au physique qu'au moral. Voilà les nuances du beau ; mais j'étends cette pensée, et je dis :

    Quand on exige que la notion générale de beau convienne à tous les êtres beaux, parle-t-on seulement de ceux qui portent cette épithète ici et aujourd'hui, ou de ceux qu'on a nommés beaux à la naissance du monde, qu'on appelait beaux il y a cinq mille ans, à trois mille lieues, et qu'on appellera tels dans les siècles à venir ; de ceux que nous avons regardés comme tels dans l'enfance, dans l'âge mûr, et dans la vieillesse ; de ceux qui font l'admiration des peuples policés, et de ceux qui charment les sauvages ? La vérité de cette définition sera-t-elle locale, particulière, et momentanée ? ou s'étendra-t-elle à tous les êtres, à tous les temps, à tous les hommes et à tous les lieux ? Si l'on prend le dernier parti, on se rapprochera beaucoup de mon principe, et l'on ne trouvera guère d'autre moyen de concilier entre eux les jugements de l'enfant et de l'homme fait - de l'enfant, à qui il ne faut qu'un vestige de symétrie et d'imitation pour admirer et pour être récréé ; de l'homme fait, à qui il faut des palais et des ouvrages d'une étendue immense pour être frappé ; du sauvage et de l'homme policé ; du sauvage, qui est enchanté à la vue d'une pendeloque de verre, d'une bague de laiton, ou d'un bracelet de clincaille ; et de l'homme policé, qui n'accorde son attention qu'aux ouvrages les plus parfaits ; des premiers hommes, qui prodiguaient les noms de beaux, de magnifiques, etc., à des cabanes, des chaumières et des granges ; et des hommes d'aujourd'hui, qui ont restreint ces dénominations aux derniers efforts de la capacité de l'homme.

    Placez la beauté dans la perception des rapports, et vous aurez l'histoire de ses progrès depuis la naissance du monde jusqu'aujourd'hui ; choisissez pour caractère différentiel du beau en général, telle autre qualité qu'il vous plaira, et votre notion se trouvera tout à coup concentrée dans un point de l'espace et du temps."


Denis Diderot, Recherches philosophiques sur l'origine et la nature du beau (1751), in Oeuvres esthétiques, Éd. Garnier, 1959, pp. 427-428.


 

    "Ne laissez pas une conception erronée s'installer parmi nous, ne laissez pas la doctrine efféminée du marchand de beauté moderne vous attendrir trop pour pouvoir apprécier la rudesse significative, de peur qu'à la fin votre sensibilité amollie ne puisse plus supporter qu'une douceur dénué de sens. On essaie de vous faire croire que les beaux-arts naissent de notre prétendue tendance à embellir le monde qui nous entoure. Ce qui n'est pas vrai...
    L'art est formateur bien avant d'être beau, et pourtant, c'est alors un grand art, un art véritable, très souvent plus grand et plus vrai que l'art du beau lui-même. Car l'homme possède en lui une nature formatrice qui se manifeste dès que son existence est assurée ; ... Et ainsi le sauvage remodèle avec des traits bizarres, des formes épouvantables et des couleurs grossières, ses "cocos", ses plumes et son propre corps. Et bien que toutes ces images se composent des formes les plus capricieuses, leurs parties disproportionnées s'accordent ensemble, parce qu'un sentiment unique en a fait un tout caractéristique.
    Dès lors, cet art de caractère est le seul art véritable. Quand il agit sur ce qui l'entoure d'après un sentiment intérieur, simple, individuel, original, indépendant, insouciant et même ignorant de tout ce qui lui est étranger, alors, qu'il provienne d'une sauvagerie primitive ou d'une sensibilité raffinée, il forme un tout et il est vivant".

Goethe, "Von deutscher Baukunst", Werke, XXXVII, 148 sq.
 

    "Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne ce que son jugement, fondé sur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. Il admet donc quand il dit : le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles de chacun. L'un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morte et terne ; l'un préfère le son des instruments à vent, l'autre celui des instruments cordes. Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son goût (il s'agit du goût des sens).

    Il en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme qui se piquerait de quelque goût, pensât justifier ses prétention en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, personne ne s'en soucie mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété d’objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté diverses reprises cet accord mais c'est qu'il l'exige. Il blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas dire : chacun son goût. Cela reviendrait à dire : il n'y a pas de goût, c'est-à-dire pas de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre l'assentiment universel."

 

Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, Section I, Livre I, §7, p. 56.


 
 "La beauté appartient à la forme, et toute forme a son origine dans un mouvement qui la trace : la forme n'est que du mouvement enregistré. Or, si nous nous deman­dons quels sont les mouvements qui décrivent des formes belles, nous trouvons que ce sont les mouvements gracieux : la beauté, disait Léonard de Vinci, est de la grâce fixée. La question est alors de savoir en quoi consiste la grâce. Mais ce problème est plus aisé à résoudre, car dans tout ce qui est gracieux nous voyons, nous sentons, nous devinons une espèce d'abandon et comme une condescendance. Ainsi, pour celui qui contemple l'univers avec des yeux d'artiste, c'est la grâce qui se lit à travers la beauté, et c'est la bonté qui transparaît sous la grâce."
 
Bergson, "La vie et l'œuvre de Ravaisson", 1904, in La Pensée et le Mouvant, P.U.F., 1998, p. 279-280.
 


Date de création : 06/12/2005 @ 13:22
Dernière modification : 10/05/2013 @ 17:33
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