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Hors des sentiers battus
Le rapport des objets à l'espace

  "Les objets sont des éléments culturels, des images de l'homme : il s'y projette et il s'y reconnaît (Sartre). Les objets sont résistants (Gegenstände), permanents, à travers la durée ou à tout le moins ils suggèrent une éternité provisoire, souvent démentie (rejet, casse, usure) mais toujours perçue. Passifs et dominés, ils sont à l'échelle de l'homme et des études antérieures ont proposé une classification pertinente vis-à-vis de leur rôle dans l'espace en fonction même du mouvement réactif de l'homme vis-à-vis des objets : micro-objets (la pierre précieuse), mini-objets (la plume), objets à l'échelle du geste (le téléphone), maxi-objets (élément du mobilier) et les macro-objets, dans lesquels on entre, et dont la « caravane » constituerait le cas limite.
  On peut montrer que tout comme l'être humain, l'objet possède d'une part un co-volume lié à son incompressibilité et correspondant à la notion de « close-packing », d'autre part, un Volume propre, une Sphère d'influence eux-mêmes compressibles en fonction de la densité totale des objets dans une « enceinte » telle que la nappe de la table mise, ou les murs de l'appartement. Il s'établit alors un jeu d'expansion relative de ces éléments divers qui « cherchent », en règle général, à occuper le volume maximum qui leur est offert. Notons qu'ici, bien que ces « mouvements » ou états d'équilibre soient des produits de l'être humain, ils émergent directement pour le phénoménologue de l'espace et de son exploitation, comme une loi de sociologie des objets, indépendante des actants, conformément à ce rôle de « cristallisation des actes » que nous leur avons attribué.
  Les objets par ailleurs définissent des sous-espaces hiérarchiques par rapport à eux-mêmes à l'intérieur de leur espace propre. Il y a d'abord les espaces contenus (intérieur de l'armoire ou du tiroir) ensuite les espaces dominés (c'est la zone de rayonnement de la pendule, du verre à bordeaux ou de la table qui repoussent spontanément tous objets environnants à distance respectueuse), il y a enfin les espaces tributaires (typiques des mobiliers), quand l'accès à l'objet implique de prendre en compte dans le champ de conscience une géométrie d'accès et par là même un impôt en espace exercé par l'objet sur le plan fonctionnel.
  Les objets assignent donc une subordination, une utilisation de l'espace par l'individu. Cette emprise est un système à double mouvement : c'est par la modification, l'aménagement de cet espace que l'individu se marque dans sa créativité, mais réciproquement, la forme généralisée prise par l'espace va être déterminante pour l'être qui y vit : les replis de sa coquille conditionnent son cerveau."

 

Abraham A. Moles et Élisabeth Rohmer, Psychosociologie de l'espace, 1998, L'Harmattan, p. 74-75.



  "Les espaces sont peuplés d'objets dont on pourrait dire qu'ils forment eux-mêmes des espaces complexes. L'objet technique peut donc être défini comme un espace complexe à l'intérieur duquel ni l'ouvrier, ni le consommateur ne savent jamais ce qu'il y a. Qu'y a-t-il à l'intérieur du moteur, du condensateur et, a fortiori, de l'ordinateur ? Que se cache-t-il sous toutes ces choses que pourtant nous savons fabriquer ? Prenons un téléviseur par exemple : c'est un morceau d'espace de quelques décimètres cubes avec lequel on s'est beaucoup familiarisé. Sa fabrication est très sophistiquée et techniquement très élaborée, mais ce décimètre cube d'espace est caréné et par conséquent sa complexité nous est cachée par le carter.
  Toute la vision de la réalité des objets est une vision sous carénage. L'espace social est défini comme une relation à des objets dont l'espace intérieur est difficilement accessible et rarement compréhensible par des gens ; mais cette complexité est enfermée, cachée dans un carénage. Ce type de relations à l'objet détermine un type de représentation : l'homme d'aujourd'hui qui utilise quotidiennement des objets - depuis sa voiture bien carénée qu'il prend tous les jours, jusqu'à son poste de télévision qu'il allume tous les soirs - dont la complexité intérieure lui échappe - développe une représentation magique liée à la non-maîtrise de l'espace ; l'ouvrier fabrique un espace qu'il ne comprend plus, le consommateur utilise des objets qu'il ne comprend pas.

  Les relations à l'espace sont ainsi de fait des relations à des objets qui deviennent hermétiques. Le produit devient un espace scellé. On adopte une attitude magique qui porte à croire qu'en agissant sur le symbole on a agi sur la réalité que représente ce symbole : chacun est d'une manière ou d'une autre livré à cette croyance dès qu'il est en face d'un tourne-disques, d'une machine à laver, d'une voiture, d'une télévision, etc.
  Ce qui est simplement demandé, c'est de bien suivre le mode d'emploi et d'appuyer sur le bouton, afin de libérer cette puissance magique qui déclenche la marche de la machine ou l'apparition de l'image sur l'écran de télévision."

 

Gustave-Nicolas Fischer, La psychosociologie de l'espace, 1981, PUF, coll. "Que sais-je ?", p. 50-52.

 

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Date de création : 06/01/2014 @ 16:01
Dernière modification : 15/01/2014 @ 15:45
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