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Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
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L'économie de la nature

  "La nature est la loi immuable de Dieu, par laquelle les choses sont ce qu'il a voulu qu'elles fussent.
  La nature ne produit que ce qu'il lui a ordonné de produire ; elle exécute ses desseins primitifs; c'est le grand ouvrier ; elle agit par ses propres forces ; elle fait tout avec science, sans avoir rien appris ; c'est, à proprement parler, l'acte des premiers desseins ; elle agit sans efforts ; elle ne laisse aucun vide dans l'enchantement de ses productions ; elle travaille sourdement, mais constamment ; elle suit toujours dans toutes ses opérations le plan le plus sûr ; elle ne fait rien sans but déterminé ; elle n emploie rien de superflu. Elle fournit à tous les êtres tout ce qui leur est nécessaire ; elle est soumise à l'habitude, ne changeant jamais ses formes ; les éléments sont et ses instruments et les matériaux qu'elle emploie constamment pour la régénération de tous les corps.

  Les substances naturelles sont tous les corps observables sur la surface de la Terre. Modelés sur les dessins primitifs du créateur, ils forment trois règnes, dont les limites semblent se confondre dans les Zoophytes :
1. les minéraux, qui sont des agrégations sans vie et sans sentiment ;
2. les végétaux, qui sont des corps organisés, vivants, mais sans sentiment ;
3. les animaux, qui sont des corps organisés, vivants, sentant et pouvant se mouvoir spontanément.
  La nature ne produit pas ses ouvrages sur un seul plan : mais elle se plaît à varier ses dessins ; quoique ses forces soient uniformes, elle les dirige avec tant d'art qu'elle renouvelle ses formes sans diminuer la variété de ses représentations.
  Les règnes de la nature qui constituent notre planète sont donc au nombre de trois : le minéral informe occupe l'inférieur, il est principalement formé par les sels dans le sein de la terre ; ses mélanges paraissent faits au hasard, quoique soumis aux lois d'affinité.
  Le règne végétal verdoyant semble vêtir la terre ; il pompe par des radicules aspirantes les molécules terrestres, huileuses et salines ; il pompe par ses feuilles des éléments plus subtils qui nagent dans l'air ; par une admirable fécondation, le végétal subit une métamorphose ; son module se concentre dans la semence, que plusieurs causes dispersent, suivant les stations les plus avantageuses.
  Les animaux doués de sentiment ornent cette planète ; ils se meuvent à volonté ; ils respirent, se propagent par des œufs. La faim en disperse les sujets, mais l'amour les réunit; en consommant les végétaux, ils en empêchent la trop grande multiplication ; plusieurs d'entre eux se dévorent, pour modérer le trop grand nombre des germes, dont la nature est si prodigue.
  L'homme, doué d'intelligence et de la parole la plus parfaite comme telle des créatures, l'homme qui porte l'empreinte de la Divinité, qui seul sur la Terre peut s'élever à elle, en contemplant ses œuvres, qui seul en peut évaluer l'ordre, la beauté et qui seul peut en adorer l'Auteur; l'homme reconnaît son créateur : en remontant de génération en génération, en méditant sur la conservation des êtres, il trouve toujours cet être agissant ; mens agitat molem[1]. Tout l'invite à l'adoration, le mécanisme des corps qui l'environnent, leurs rapports, leur fin, leur utilité sur ce globe.
  L'action de Dieu change les terres en végétaux, transmue ceux-ci en animaux, et tous en corps humain qui, doué d'intelligence, fait réfléchir les rayons de la sagesse vers la majesté divine, qui la renvoie à ses adorateurs en faisceaux resplendissants. Ainsi le monde est plein de la gloire de Dieu, puisque toutes les créatures glorifient Dieu par l'intermède de l'homme, qui formé de la poussière, mais vivifié par la main divine, contemple la majesté de son auteur, en saisissant les causes finales. C'est un hôte reconnaissant qui prêche le nom de son auteur.
  En étudiant la nature dans cette vue sublime, on jouit par anticipation de la volupté céleste ; celui qui la goûte ne marche pas dans les ténèbres : on ne peut être vraiment pieux, c'est-à-dire, connaître ce que nous devons à notre Créateur, sans étudier les productions naturelles, sans en connaître l'harmonie : car l'homme raisonnable est né pour connaître l'auteur de son être ; et l'étude de la nature conduit nécessairement à l'admiration des œuvres de l'Être suprême. […]
  Les êtres créés sont donc les témoins de la puissance et de la sagesse divine ; ils constituent seuls la vraie richesse de l'homme, lui procurent le solide bonheur. Nous déduirons un attribut essentiel de la Divinité, en développant leur usage, savoir, sa bonté ; leur harmonie, leur beauté nous prouveront sa sagesse ; l'économie de la nature dans la conservation des êtres, dans leur proportion, dans leur renouvellement, nous prouvera sa puissance : aussi leur recherche a toujours été estimée, même par les premiers hommes abandonnés aux seules lois de nature."

 

Carl von Linné, Abrégé du système de la nature : histoire des mammaires ou des quadrupèdes et cétacés, tr. fr. J. E. Gilibert, 1805, p. 12-14 et p. 17-18.


[1] L'esprit meut la matière. Virgile, Énéide, liv. VI, v. 727.



  "Ainsi c'est dans le règne végétal que réside le grand laboratoire de la vie organique c'est là que les matières végétales et animales se forment et elles s'y forment aux dépens de l'air des végétaux, ces matières passent toutes formées dans les minimaux herbivores qui en détruisent une partie et qui accumulent le reste dans leurs tissus ; des animaux herbivores, elles passent toutes formées dans les animaux carnivores qui en détruisent ou en conservent selon leurs besoins ; enfin, pendant la vie de ces animaux ou après leur mort ces matières organiques, à mesure qu'elles se détruisent retournent à l'atmosphère d'où elles proviennent.
  Ainsi se ferme ce cercle mystérieux de la vie organique à la surface du globe. […] C'est donc en absorbant sans cesse une véritable force, la lumière et la chaleur émanées du soleil, que les plantes fonctionnent et qu'elles produisent cette immense quantité de matière organisée ou organique […] Ainsi, un lien commun entre les deux règnes, l'atmosphère ; quatre éléments dans les plantes et dans les animaux, le carbone, l'hydrogène, l'azote et l'oxygène ; un très petit nombre de formes sous lesquelles les végétaux les accumulent, sous lesquelles les animaux les consomment ; quelques lois très simples que leur enchaînement simplifie encore : tel serait le tableau de l'état de la chimie organique la plus élevée. […] Tout ce que l'air donne aux plantes, les plantes le cèdent aux animaux, les animaux le rendent à l'air ; cercle éternel dans lequel la vie s'agite et se manifeste, mais où la matière ne fait que changer de place."

 

Jean-Baptiste Dumas, Essai de statique chimique des êtres organisés, 1841, Parie, Fortin, Masson et Cie, p. 9-10.



  "Soulignons tout d'abord la limitation des conditions d'existence des organismes, quelle que soit leur espèce. Aucun n'est en mesure de vivre en tout lieu de la Terre. Tous sont cantonnés à une partie du globe, et même, pour la très grande majorité d'entre eux, à une surface particulièrement restreinte. Autrement dit, il n'existe pour chaque espèce qu'un nombre donné de lieux au sein de l'économie de la nature. La limitation absolue des conditions d'existence détermine la quantité maximale d'individus pouvant coexister sur Terre dans le meilleur des cas. Quant à la nature même des conditions d'existence, elles sont, pour chacune des espèces, d'une complexité extrême et nous sont, dans la plupart des cas, très insuffisamment connues, voire totalement inconnues. Lorsque nous avons précédemment évoqué les conditions d'existence du monde extérieur, nous avions principalement à l'esprit les conditions inorganiques, à savoir l'influence de la lumière, de la chaleur, de l'humidité, des aliments inorganiques, etc. Mais bien plus importantes encore que ces dernières sont les conditions organiques, c'est-à-dire les rapports réciproques entre les organismes, qui exercent une influence bien plus grande sur la transformation et l'adaptation des espèces. Chaque espèce d'organisme entretient une relation de dépendance vis-à-vis de nombreuses autres qui vivent au même endroit qu'elle et qui lui sont nuisibles, indifférentes ou utiles. Chaque organisme a des ennemis et des amis, qui menacent son existence ou la facilitent. Les premiers, au rang desquels les parasites par exemple, peuvent le priver de nourriture, les seconds lui en Fournir, comme le font les plantes nourricières. La quantité et la qualité des individus organiques vivant ensemble en un même lieu doivent donc manifestement être interdépendantes, et toute modification dans la quantité ou la qualité d'une espèce doit avoir des conséquences sur celles avec lesquelles elle interagit."

 

Ernst Haeckel, Generelle Morphologie der Organismen, 1866, tr. fr. Tilman Chazal, in Les Grands textes fondateurs de l'écologie, Champs Classiques, 2013, p. 48-49.

 

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Date de création : 12/01/2016 @ 09:08
Dernière modification : 04/02/2016 @ 07:46
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