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Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
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La vérité est-elle relative ou absolue ?

    "Dans toutes les matières dont la preuve consiste en expériences et non en démonstrations, on ne peut faire aucune assertion universelle que par la générale énumération de toutes les parties ou de tous les cas différents. C'est ainsi que, quand nous disons que le diamant est le plus dur de tous les corps, nous entendons de tous les corps que nous connaissons, et nous ne pouvons ni ne devons y comprendre ceux que nous ne connaissons point ; et quand nous disons que l'or est le plus pesant de tous les corps, nous serions téméraire de comprendre dans cette proposition générale ceux qui ne sont point encore en notre connaissance, quoiqu'il ne soit pas impossible qu'ils soient en nature.
  De même quand les anciens ont assuré que la nature ne souffrait point de vide, ils ont compris qu'elle n'en souffrait point dans toutes les expériences qu'ils avaient vues, et ils n'auraient pu sans témérité y comprendre celles qui n'étaient pas en leur connaissance. Que si elles y eussent été, sans doute ils auraient tiré les mêmes conséquences que nous et les auraient par leur aveu autorisées à cette antiquité dont on veut faire aujourd'hui l'unique principe des sciences.
    C'est ainsi que, sans les contredire, nous pouvons affirmer le contraire de ce qu'ils disaient et, quelque force enfin qu'ait cette antiquité, la vérité doit toujours avoir l'avantage, quoique nouvellement découverte, puisqu'elle est toujours plus ancienne que toutes les opinions qu'on a eues, et que ce serait ignorer sa nature de s'imaginer qu'elle ait commencé d'être au temps qu'elle a commencé d'être connue."

 

Pascal, Préface sur le Traité du vide, 1647.


 

    "Je vois par exemple que 2 fois 2 font 4, et qu'il faut préférer son ami à son chien, et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu'il y ait une raison universelle qui m'éclaire, et tout ce qu'il y a d'intelligences. Car si la raison que je consulte n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes est une raison universelle. Je dis quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent".

Malebranche, De la recherche de la vérité, Xème éclaircissement, 1674, Oeuvres complètes, Paris 1976, tome III, pp. 129-130 et 135-136.


  "La plus grande fable que l'on ait inventée est celle de la connaissance. On voudrait savoir comment sont faite les choses en soi : or, il n'y a pas de choses en soi. À supposer même qu'il y eût un « en soi », un absolu, pour cette raison même il ne saurait être connu. L'inconditionné ne peut être connu ; sans quoi il ne serait plus inconditionné. Connaître, c'est toujours « entrer en relation avec quelque chose »… Le philosophe de la connaissance souhaite que ce qu'il cherche à connaître ne le concerne en rien et ne concerne personne non plus, cela donne une première contradiction entre la volonté de connaître et le désir de n'y voir aucun intérêt (car dans ce cas, à quoi bon connaître ?), et une seconde contradiction, car ce qui ne touche personne n'existe pas, ne peut donc pas être connu. Connaître, c'est « se mettre en relation avec une chose », se sentir déterminé par elle et la déterminer en retour... C'est donc en tout cas une façon de constater, de designer, de rendre conscientes des relations (non pas de scruter des êtres, des choses, des « en soi »)."

 

Friedrich Nietzsche, La volonté de puissance, 1887, t. I, l. I, § 175, Trad. G. Bianquis, Gallimard, tel, 1995, p. 77.



  "Aucune de nos croyances n'est tout à fait vraie. Toutes ont eu au moins une ombre d'imprécision et d'erreur. On connaît bien les méthodes qui accroissent le degré de la vérité de nos croyances : elles consistent à écouter tous les partis, à essayer d'établir tous les faits dignes d'être relevés, à contrôler nos penchants individuels par la discussion avec des personnes qui ont des penchants opposés, et à cultiver l'habitude de rejeter toute hypothèse qui s'est montrée inadéquate. On pratique ces méthodes dans la science et grâce à elles on a établi un corps de connaissances scientifiques. Tout homme de science dont les idées sont vraiment scientifiques est prêt à reconnaître que ce qui passe pour une connaissance scientifique à un moment donné, demandera sûrement d'être corrigé par des découvertes nouvelles ; que, néanmoins, la science est assez proche de la vérité pour suffire à la plupart des besoins pratiques, mais non pour tous. Dans la science, quand il ne s'agit que d'une connaissance qui ne peut qu'être approximative, l'attitude de l'homme est expérimentale et pleine de doutes."


Bertrand Russell, Essais sceptiques, 1933, Chapitre XII, trad. A. Bernard, Collection des prix Nobel de Littérature, 1973, p. 177.



    "Un credo [1] religieux diffère d'une théorie scientifique en ce qu'il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s'attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d'arriver à une démonstration complète et définitive. Mais, dans une science évoluée, les changements nécessaires ne servent généralement qu'à obtenir une exactitude légèrement plus grande ; les vieilles théories restent utilisables quand il s'agit d'approximations grossières, mais ne suffisent plus quand une observation plus minutieuse devient possible. En outre, les inventions techniques issues des vieilles théories continuent à témoigner que celles-ci possédaient un certain degré de vérité pratique, si l'on peut dire. La science nous incite donc à abandonner la recherche de la vérité absolue, et à y substituer ce qu'on peut appeler la vérité « technique », qui est le propre de toute théorie permettant de faire des inventions ou de prévoir l'avenir. La vérité « technique » est une affaire de degré : une théorie est d'autant plus vraie qu'elle donne naissance à un plus grand nombre d'inventions utiles et de prévisions exactes. La « connaissance » cesse d'être un miroir mental de l'univers, pour devenir un simple instrument à manipuler la matière. Mais ces implications de la méthode scientifique n'apparaissaient pas aux pionniers de la science : ceux-ci, tout en utilisant une méthode nouvelle pour rechercher la vérité, continuaient à se faire de la vérité elle-même une idée aussi absolue que leurs adversaires théologiens."


Bertrand Russell, Science et Religion, 1935, trad. P.-R. Mantoux, Éd

Gallimard, Folio Essais, 1990, p. 12-13.


 [1] Credo : "je crois", en latin. Un credo est un dogme, un article de foi. 


 

    "Puisqu'il est question de vérité, je tiens à préciser que notre but est de découvrir des théories vraies, ou tout au moins des théories qui se rapprochent davantage de la vérité que celles que nous connaissons jusqu'à présent. Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous puissions savoir avec certitude si une seule de nos théories explicatives est vraie. Il nous arrive de pouvoir critiquer une théorie explicative et d'établir qu'elle est fausse. Mais une bonne théorie explicative est toujours une anticipation audacieuse de choses à venir. On devrait pouvoir la tester et la critiquer, mais il sera toujours impossible de montrer qu'elle est vraie ; et, pourvu que l'on prenne "probable" dans l'une des nombreuses acceptions qui satisfont aux exigences du calcul des probabilités, il sera toujours impossible de montrer qu'elle est "probable" (c'est-à-dire plus probable que sa négation).
 

Karl Popper, "L'évolution et l'arbre de la connaissance", in La connaissance objective, 1961, trad. J-J Rosat, Champs Flammarion, 1998, p. 396.


 
  "N'est-ce pas que ces questions du bon, du juste, de l'équitable, du mérite sont tout à fait distinctes de la question du vrai et du faux ? Celle-ci, n'est-ce pas qui est une affaire très simple, du noir au blanc : ou l'énoncé correspond au fait ou il n'y correspond pas, et voilà tout.
  Quant à moi, je ne le crois pas. Prenons les assertions suivantes :
- La France est hexagonale
- Lord Raglan a gagné la bataille de l'Alma
- Oxford est à 100 km de Londres
 Il est bien vrai que, pour chacune de ces assertions, on peut poser la question, « vraie ou fausse ? ». Mais ce n'est que dans les cas assez favorables que nous devons attendre une réponse « oui ou non », une fois pour toutes. En posant la question, on comprend que l'énoncé doit être confronté de façon ou d'autre avec les faits. Bien sûr. Confrontons donc « La France est hexagonale » avec la France. Que dire ? Est-ce vrai ou non ? Question, on le voit, simpliste. Eh bien si vous voulez, jusqu'à un certain point, on peut voir ce que vous voulez dire, oui peut-être dans tel but, ou à tel propos, pour les généraux cela pourrait aller, mais pas pour les géographes. Et ainsi de suite. C'est une assertion-ébauche, que voulez-vous, mais on ne peut pas dire qu'elle soit fausse tout court. [...] Sous le titre du « vrai » ce que nous avons en effet n'est point une simple qualité, ni une relation, ni une chose quelconque, mais plutôt toute une dimension de critique. On peut se faire une idée, peut-être pas très claire, de cette critique : ce qui est clair c'est qu'il y a un tas de choses à considérer et à peser dans cette seule dimension - les faits, oui, mais aussi la situation de celui qui a parlé, le but dans lequel il parlait, son auditoire, questions de précisions, etc. [...]. Ce dont on a besoin, il me semble, c'est d'une doctrine nouvelle, à la fois complète et générale, de ce que l'on fait en disant quelque chose."
 
John Langshaw Austin, "Performatif-constatif", in La Philosophie analytique, Minuit, 1962, p. 279-281.

 

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Date de création : 09/02/2006 @ 13:46
Dernière modification : 21/11/2014 @ 17:19
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