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Texte à méditer :   La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand vous avez cessé d'y croire.   Philip K. Dick
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Hors des sentiers battus
Les limites du pouvoir de l'Etat

  "L'État, selon mes idées, est une société d'hommes instituée dans la seule vue de l'établissement, de la conservation et de l'avancement de leurs INTÉRÊTS CIVILS. J'appelle intérêts civils, la vie, la liberté, la santé du corps ; la possession des biens extérieurs, tels que sont l'argent, les terres, les maisons, les meubles, et autres choses de cette nature [...]
   Or, pour convaincre que la juridiction du magistrat se termine à ces biens temporels, et que tout pouvoir civil est borné à l'unique soin de les maintenir et de travailler à leur augmentation, sans qu'il puisse ni qu'il doive en aucune manière travailler à s'étendre jusques au salut des âmes, il suffit de considérer les raisons suivantes, qui me paraissent démonstratives.
   Premièrement, parce que Dieu n'a pas commis le soin des âmes au magistrat civil, plutôt qu'à toute autre personne, et qu'il ne paraît pas qu'il ait jamais autorisé aucun homme à forcer les autres de recevoir sa religion. Le consentement du peuple même ne saurait donner ce pouvoir au magistrat ; puisqu'il est comme impossible qu'un homme abandonne le soin de son salut jusques à devenir aveugle lui-même et à laisser au choix d'un autre, soit prince ou sujet, de lui prescrire la foi ou le culte qu'il doit embrasser. Car il n'y a personne qui puisse, quand il le voudrait, régler sa foi sur les préceptes d'un autre. Toute l'essence et la force de la vraie religion consiste dans la persuasion absolue et intérieure de l'esprit ; et la foi n'est plus foi, si l'on ne croit point. Quelques dogmes que l'on suive, à quelque culte extérieur que l'on se joigne, si l'on n'est pleinement convaincu que ces dogmes sont vrais, et que ce culte est agréable à Dieu, bien loin que ces dogmes et ce culte contribuent à notre salut, ils y mettent de grands obstacles. En effet, si nous servons le Créateur d'une manière que nous savons ne lui être pas agréable, au lieu d'expier nos péchés par ce service, nous en commettons de nouveaux, et nous ajoutons à leur nombre l'hypocrisie et le mépris de sa majesté souveraine.
    En second lieu, le soin des âmes ne saurait appartenir au magistrat civil, parce que son pouvoir est borné à la force extérieure. Mais la vraie religion consiste, comme nous venons de le marquer, dans la persuasion intérieure de l'esprit, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu. Ajoutez à cela que notre entendement est d'une telle nature, qu'on ne saurait le porter à croire quoi que ce soit par la contrainte. La confiscation des biens, les cachots, les tourments, les supplices, rien de tout cela ne peut altérer ou anéantir le jugement intérieur que nous faisons des choses."

 

Locke, Lettre sur la tolérance, 1685. Trad. Jean Le Clerc, Garnier-Flammarion, 1992, p. 168-169.


  

  "S'il est vrai qu'en entrant en société, les hommes abandonnent l'égalité, la liberté et le pouvoir exécutif qu'ils possédaient dans l'état de nature, et qu'ils les remettent entre les mains de la société pour que le législatif en dispose selon que le bien de cette même société l'exigera, il reste cependant que chacun ne le fait que dans l'intention de préserver d'autant mieux sa personne, sa liberté et sa propriété (car on ne peut supposer qu'une créature rationnelle change de situation dans l'intention de la rendre pire). Le pouvoir de la société, ou du législatif qu'elle institue, ne peut jamais être censé s'étendre au-delà de ce que requiert le bien commun ; il est obligé de garantir la propriété de chacun, en remédiant aux trois défauts que nous avons mentionnés ci-dessus, et qui rendaient l'état de nature si incertain et si inconfortable. Par conséquent, quiconque détient le législatif ou le pouvoir suprême de la république est tenu de gouverner selon des lois fixes et établies, promulguées et connues du peuple, et non par des décrets improvisés ; de gouverner par le moyen de juges impartiaux et intègres, appelés à trancher tous les différends en fonction de ces lois ; enfin, de n'employer à l'intérieur la force de la communauté que pour l'exécution de ces lois, et à l'extérieur pour prévenir les atteintes de l'étranger ou en obtenir réparation, afin de garantir la communauté contre les incursions et les invasions. Tout ceci ne doit être dirigé vers aucune autre fin que la paix, la sûreté et le bien public du peuple."

 

John Locke, Le Second Traité du gouvernement, 1690, chap. 9, § 131, trad. J.-F. Spitz avec la collaboration de C. Lazzeri, Éd. des PUF, coli. « Épiméthée », 1994, p. 93.


  "Tout système qui cherche ou, par des encouragements extraordinaires, à attirer vers une espèce particulière d'industrie une plus forte portion du capital de la société que celle qui s'y porterait naturellement, ou, par des entraves extraordinaires, à détourner forcément une partie de ce capital d'une espèce particulière d'industrie vers laquelle elle irait sans cela chercher un emploi, est un système réellement subversif de l'objet même qu'il se propose comme son principal et dernier terme. Bien loin de les accélérer, il retarde les progrès de la société vers l'opulence et l'agrandissement réels, bien loin de l'accroître, il diminue la valeur réelle du produit annuel des terres et du travail de la société. […]

  Tout système, soit de préférence, soit de restriction, étant complètement écarté, le système évident et simple de liberté naturelle s'établit de son propre accord. Chaque homme, aussi longtemps qu'il ne viole pas les lois de justice, est laissé parfaitement libre de poursuivre son propre intérêt sur son propre chemin et d'apporter à la fois son activité et son capital dans la concurrence avec ceux de n'importe quel autre homme ou groupe d'hommes.

  Le souverain a seulement trois devoirs à remplir : 1. le devoir de protéger la société de la violence et de l'invasion; 2. le devoir de protéger chaque membre de la société de l’injustice et de l’oppression; 3. le devoir d’ériger et de maintenir certains travaux publics qu'il ne peut jamais être de l'intérêt d'un individu ou d'un petit groupe d'individus d'ériger et de maintenir.

  L'intérêt d'une nation dans ses relations commerciales avec les nations étrangères est d'acheter aussi bon marché et de vendre aussi cher que possible. Elle pourra vraisemblablement acheter bon marché quand, par la plus parfaite liberté du commerce, elle encouragera toutes les nations à lui apporter les marchandises qu'elle a l'occasion d'acheter, et, pour la même raison, elle pourra vraisemblablement vendre cher quand ses marchés seront emplis du plus grand nombre d'acheteurs."

 

 

Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776, Livre I, chapitre 2.


 

  "J'accepte de tout coeur la devise suivante : « Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins » et j'aimerais la voir suivie d'effet plus rapidement plus systématiquement. Exécutée, elle se résume à ceci, que je crois aussi : « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout » ; et quand les hommes y seront prêts, tel sera le genre de gouvernement qu'ils auront. Un gouvernement, au mieux, n'est qu'un expédient ; mais la plupart d'entre eux sont d'habitude, et tous les gouvernements sont quelquefois nuisibles. Les mêmes objections qu'on a opposées à une armée permanente - elles sont nombreuses et de poids et méritent de l'emporter - peuvent en dernier ressort être opposées à un gouvernement permanent. L'armée de métier n'est qu'un bras du gouvernement de métier. Ce dernier lui-même, qui n'est que le moyen choisi par un peuple pour exécuter sa volonté, est également susceptible d'être trompé et perverti avant que le peuple puisse agir par son truchement. […]

  Mais pour parler pratiquement et en citoyen, à la différence de ceux qui se baptisent antigouvernementaux, je réclame, non une absence immédiate de gouvernement, mais immédiatement un meilleur gouvernement. Que chacun publie quel serait le genre de gouvernement qu'il respecterait et nous aurions déjà fait un pas vers sa réalisation."

 

Henry David Thoreau, La Désobéissance civile, 1849, Mille-et-une-nuits, p. 9-11.


 

    "Il s'agit de savoir si le gouvernement devrait faire, ou donner les moyens de faire quelque chose pour leur bien, au lieu de laisser les individus s'en occuper seuls, ou en s'associant librement [...]
    Dans de nombreux cas, bien qu'en moyenne les individus ne soient pas capables de faire certaines choses aussi bien que les fonctionnaires, il est néanmoins souhaitable que ce soit eux qui le fassent et non le gouvernement, afin de contribuer à leur propre éducation intellectuelle et comme moyen de fortifier leurs facultés d'action, d'exercer leur jugement, et de leur rendre familière la connaissance des sujets dont les laisse s'occuper. C'est là la principale, mais non la seule recommandation du jugement par le jury (dans les cas non politiques), des institutions libres et populaires à l'échelon local et municipal, et de la conduite des entreprises industrielles et philanthropiques par des associations volontaires. Ce ne sont pas là des questions de liberté, et elles ne se rapportent que de loin à notre sujet. Ce sont des questions de développement. Il n'y a pas lieu de s'étendre ici sur toutes ces choses en tant qu'aspects de l'éducation au niveau national. Elles font en réalité partie de l'éducation particulière du citoyen et de l'aspect purement pratique de l'éducation politique d'un peuple libre. Elles ont pour objet de faire sortir l'individu du cercle étroit de l'égoïsme personnel et familial pour le familiariser avec les intérêts communs et la direction des affaires communes, de l'habituer à agir en vertu de motivations publiques ou semi-publiques, d'orienter sa conduite par rapport à des fins qui l'unissent à autrui au lieu de l'en isoler. Sans ces habitudes et ces facultés, on ne peut ni faire fonctionner, ni perpétuer une constitution libre, comme le montre trop souvent la nature transitoire de la liberté politique dans les pays où elle n'est pas fondée sur une base relativement solide de libertés locales."

 

John Stuart Mill, De la liberté, 1859. Trad. F. Pataut, Presses-Pocket, 1990, p. 180-182.


  

  "Je distingue en toute société deux espèces de constitutions : l'une que j'appelle la constitution sociale, l'autre qui est la constitution politique [...] L'homme est destiné à vivre en société : cette société ne peut exister que de deux manières : ou par l'organisation des facultés économiques et l'équilibre des intérêts ; ou bien par l'institution d'une autorité qui [...] serve d'arbitre, réprime et protège.

  Cette dernière manière [...] est ce qu'on nomme l'État ou gouvernement.

  La constitution sociale n'est autre chose que l'équilibre des intérêts fondé sur le libre contrat et l'organisation des forces économiques. [...] La constitution politique a pour principe l'autorité [...] la séparation des pouvoirs, la centralisation administrative, la représentation de la souveraineté par l'élection. [...]

  Ces deux constitutions [...] sont de nature diverses et même incompatibles, mais toujours quelque chose de celle-ci se glisse et se pose dans celle-là. [...] C'est à ce point de vue que nous allons apprécier la théorie générale des constitutions. [...]

  Droit au travail, idée de progrès [...] ces éléments dans lesquels il convient de voir une expression incomplète, déguisée de la constitution sociale, sont par eux-mêmes incompatibles avec le gouvernementalisme. [...] Le droit au travail est hors la compétence du gouvernement.

  Le droit au travail, le droit à l'assistance, le droit à la propriété trouvent dans une autre constitution leur réalité."

 

 

Proudhon, Confessions d'un révolutionnaire, 1849, Chapitre XIV.


 

  "Où trouver une puissance capable de contre-balancer cette puissance formidable de l'Etat ? Il n'y en a pas d'autre que la propriété [...]

  Pour qu'une force puisse tenir en respect une autre force, il faut qu'elles soient indépendantes l'une de l'autre.

  Servir de contrepoids à la puissance publique, balancer l'État, par ce moyen assurer la liberté individuelle : telle sera donc, dans le système politique, la fonction principale de la propriété [...]

 La propriété est le contrepoids naturel, nécessaire de la puissance publique. La puissance de l'État est une puissance de concentration ; donnez-lui l'essor, et toute individualité disparaîtra bientôt, absorbée dans la collectivité.

  Là où manque la propriété, où elle est remplacée par la possession slave ou le fief, il y a despotisme dans le gouvernement.

 Une république qui laissera tomber l'alleu en fief, qui ramènera la propriété au communisme slave [...] se convertira en autocratie."

 

 

Proudhon, Théorie de la propriété, 1865, Chapitre VI.


 

    "Le libéralisme veut qu'on fasse le meilleur usage possible des forces de la concurrence en tant que moyen de coordonner les efforts humains ; il ne veut pas qu'on laisse les choses en l'état où elles sont. Le libéralisme est basé sur la conviction que la concurrence est le meilleur moyen de guider les efforts individuels. Il ne nie pas, mais souligne au contraire que pour que la concurrence puisse jouer un rôle bienfaisant, une armature juridique soigneusement conçue est nécessaire ; il admet que les lois passées et présentes ont de graves défauts. Il ne nie pas non plus que partout où il est impossible de rendre la concurrence efficace, il nous faut recourir à d'autres méthodes pour guider l'activité économique. Toutefois le libéralisme économique est opposé au remplacement de la concurrence par des méthodes inférieures de coordination des efforts humains. Il considère la concurrence comme supérieure non seulement parce qu'elle est dans la plupart des circonstances la méthode la plus efficace qu'on connaisse, mais plus encore parce qu'elle est la seule méthode qui permette d'ajuster nos activités les unes aux autres sans intervention arbitraire ou coercitive [1] de l'autorité. En vérité, un des arguments principaux en faveur de la concurrence est qu'elle permet de se passer de "contrôle social conscient" et qu'elle donne aux individus une chance de décider si les perspectives d'un métier donné sont suffisantes pour compenser les désavantages et les risques qu'il comporte [...].
    Il est nécessaire avant tout que, sur le marché, les parties soient libres d'acheter ou de vendre au prix, quel qu'il soit, auquel elles peuvent trouver une contrepartie, et que chacun soit libre de produire, de vendre et d'acheter tout ce qui est susceptible d'être produit ou vendu. Il est essentiel que l'accès des divers métiers soit ouvert à tous aux mêmes conditions, et que la loi interdise à tout groupement et à tout individu de tenter de s'y opposer par la force, ouvertement ou non. Tout essai de contrôle des prix ou des quantités de certaines marchandises prive la concurrence de son pouvoir de coordonner efficacement les efforts individuels, parce que les variations de prix cessent alors d'enregistrer toutes les modifications des circonstances, et ne fournissent plus un guide sûr à l'action individuelle."

Friedrich A. Hayek, La Route de la servitude, 1946, Trad. G. Blumberg, PUF, 1985, p. 33.


[1] Coercitive : contraignante.


 

  "Il y a enfin des terrains sur lesquels aucune disposition juridique ne saurait créer la condition principale dont dépend l'efficacité du système de concurrence et de propriété privée ; à savoir que le propriétaire profite de tous les services rendus par sa propriété et souffre de tous les dommages causés à autrui par son usage. Lorsqu'il est impossible de faire payer certains services, la concurrence ne les créera pas. Le système des prix devient inopérant lorsque le dommage causé à autrui par certains usages de la propriété ne peut être mis à la charge du propriétaire.

  Dans tous ces cas il y a une divergence entre les éléments qui entrent dans les calculs individuels et ceux qui affectent le bien-être social ; et chaque fois que cette divergence devient importante, il faut peut-être imaginer une autre méthode que la concurrence pour fournir les services en question. Ainsi ni les poteaux indicateurs, ni la plupart du temps les routes elles-mêmes ne peuvent être payées par chaque usager. De même, ni les effets funestes du déboisement, de certaines méthodes agricoles, de la fumée ou du bruit des usines ne peuvent être réservés aux propriétaires intéressés ni à ceux qui sont disposés à en subir le dommage en échange d'une compensation. Dans ces cas-là, il nous faut imaginer quelque chose qui remplace le mécanisme des prix. Il faut, certes, faire intervenir l'autorité chaque fois qu'il est impossible de faire fonctionner la concurrence ; mais cela ne prouve pas qu'il faille supprimer la concurrence quand on peut la faire fonctionner. L'État possède donc un domaine d'activité vaste et incontestable : créer les conditions dans lesquelles la concurrence sera la plus efficace possible, la remplacer là où elle ne peut être efficace, fournir les services qui, comme l'a dit Adam Smith, « tout en présentant les plus grands avantages pour une collectivité importante, sont toutefois d'une nature telle que le profit ne saurait en rembourser le coût à aucun individu ou petit groupe d'individus ». Il n'y a pas de système rationnellement soutenable dans lequel l'État ne ferait rien. Un système compétitif efficace nécessite tout autant qu'un autre une armature juridique intelligemment conçue et constamment adaptée. La plus essentielle des conditions préalables de son bon fonctionnement, à savoir la prévention de la fraude et de la tromperie (y compris l'exploitation de l'ignorance), fournit à l'activité législative une tâche considérable et nullement encore achevée."

 

Friedrich A. Hayek, La Route de la servitude, 1946, Chapitre III, Trad. G. Blumberg, PUF, 1985, p. 34-35.

 

 


Date de création : 05/05/2006 @ 16:30
Dernière modification : 22/04/2015 @ 09:25
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