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Texte à méditer :  La raison du plus fort est toujours la meilleure.
  
La Fontaine
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La morale kantienne (morale déontologique ou du devoir)

  "De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même en général en dehors du monde, il n'y a qu'une seule chose qu'on puisse tenir pour bonne sans restriction, c'est une bonne volonté. L'intelligence, la finesse, le jugement, et les talents de l'esprit, quelque nom qu'on leur donne, ou le courage, la résolution, la persévérance, comme qualités du tempérament, sont sans doute choses bonnes et désirables à beaucoup d'égards ; mais ces dons de la nature peuvent devenir aussi extrêmement mauvais et pernicieux, lorsque la volonté, qui doit en faire usage, et dont la disposition propre s'appelle  pour cette raison caractère, n'est pas bonne. Il en est de même des dons de la fortune. Le pouvoir, la richesse, l'honneur, la santé même, tout le bien-être, et ce parfait contentement de son état qu'on appelle le bonheur, tout cela nous donne confiance en nous, qui dégénère même souvent en présomption, lorsqu'il n'y a pas là une bonne volonté pour en redresser l'influence sur l'esprit, par là tout le principe de l'action, et les rendre universellement conformes à des fins. Ajoutez d'ailleurs qu'un spectateur raisonnable et impartial ne peut voir avec satisfaction que tout réussisse toujours  à un être qui n'orne aucun trait de pure et bonne volonté [...]".

 

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), Première section, Traduction J. Barni, revue et corrigée, Bordas, Les œuvres philosophiques, p. 17.



    "Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses oeuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le vouloir ; c'est-à-dire que c'est en soi qu'elle est bonne ; et, considérée en elle-même, elle doit sans comparaison être estimée bien supérieure à tout ce qui pourrait être accompli par elle uniquement en faveur de quelque inclination et même, si l'on veut, de la somme de toutes les inclinations. Alors même que, par une particulière défaveur du sort, ou par l'avare dotation d'une nature marâtre, cette volonté serait complètement dépourvue du pouvoir de faire aboutir ses desseins ; alors même que dans son plus grand effort elle ne réussirait à rien ; alors même qu'il ne resterait que la bonne volonté toute seule (je comprends par-là, à vrai dire, non pas quelque chose comme un simple voeu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer), elle n'en brillerait pas moins, ainsi qu'un joyau, de son éclat à elle, comme quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière. L'utilité ou l'inutilité ne peut en rien accroître ou diminuer cette valeur".


Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785, Iresection, Trad. V. Delbos, Éd. Delagrave, rééd. 1997, p. 89-90.



    "Si nous avons tiré jusqu'ici notre concept du devoir de l'usage commun de la raison pratique, il n'en faut nullement conclure que nous l'ayons traité comme un concept empirique. Loin de là, si nous appliquons notre attention à l'expérience de la conduite des hommes, nous nous trouvons en présence de plaintes continuelles et, nous l'avouons nous-mêmes, légitimes, sur ce fait qu'il n'y a point d'exemples certains que l'on puisse rapporter de l'intention d'agir par devoir, que mainte action peut être réalisée conformément à ce que le devoir ordonne, sans qu'il cesse pour cela d'être encore douteux qu'elle soit réalisée par devoir et ainsi qu'elle ait une valeur morale. Voilà pourquoi il y a eu en tout temps des philosophes qui ont absolument nié la réalité de cette intention dans les actions humaines et qui ont tout attribué à l'amour-propre plus ou moins raffiné ; ils ne mettaient pas en doute pour cela la justesse du concept de moralité ; ils parlaient au contraire avec une sincère affliction de l'infirmité et de l'impureté de la nature humaine, assez noble, il est vrai, suivant eux, pour faire sa règle d'une idée si digne de respect, mais en même temps trop faible pour la suivre, n'usant de la raison qui devrait servir à lui donner sa foi que pour prendre souci de l'intérêt des inclinations, soit de quelques-unes d'entre elles, soit, si l'on met les choses au mieux, de toutes, en les conciliant entre elles le mieux possible".
 
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785, Iresection, trad. V. Delbos, Éd. Delagrave, rééd. 1997, p. 111-112.

  

  "La raison pure est pratique par elle seule et donne à l’homme une loi universelle, que nous nommons la loi morale [...]

  S'appliquant aux hommes, la loi a la forme d’un impératif, parce qu’on peut, à la vérité, supposer en eux, en tant qu’êtres raisonnables, une volonté pure, mais non leur attribuer, en tant qu’êtres soumis à des besoins et à des causes sensibles de mouvement, une volonté sainte, c’est-à-dire une volonté qui ne soit capable d’aucune maxime contradictoire avec la loi morale. Pour eux la loi morale est donc  un impératif, qui commande catégoriquement, puisque la loi est inconditionnée ; le rapport d'une volonté telle que la leur à cette loi est la dépendance qui sous le nom d’obligation désigne une contrainte, imposée toutefois par la simple raison et sa loi objective, pour l’accomplissement d’une action qui s’appelle devoir [...]."

 

 

Kant, Critique de la raison pratique (1788), Traduction François Picavet, PUF, 1965, p. 30 et p. 32. 


 
 

  "Tous les impératifs commandent ou hypothétiquement ou catégoriquement. Les impératifs hypothétiques représentent la nécessité pratique d’une action possible, considérée comme moyen d’arriver à quelque autre chose que l’on veut (ou du moins qu’il est possible qu’on veuille). L’impératif catégorique serait celui qui représenterait une action comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme nécessaire objectivement.

  Puisque toute loi pratique représente une action possible comme bonne, et par conséquent comme nécessaire pour un sujet capable d’être déterminé pratiquement par la raison, tous les impératifs sont des formules par lesquelles est déterminée l’action qui, selon le principe d’une volonté bonne en quelque façon, est nécessaire. Or, si l’action n’est bonne que comme moyen pour quelque autre chose, l’impératif est hypothétique ; si elle est représentée comme bonne en soi, par suite comme étant nécessairement dans une volonté qui est en soi conforme à la raison [en tant qu'il est] le principe qui la détermine, alors l’impératif est catégorique."

 

 

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), Première section, Traduction Victor Delbos, Librairie Delagrave, 1977, p.124-125.



    "Être bienfaisant, quand on le peut, est un devoir, et de plus il y a de certaines âmes si portées à la sympathie, que même sans un autre motif de vanité ou d'intérêt elles éprouvent une satisfaction intime à répandre la joie autour d'elles et qu'elles peuvent jouir du contentement d'autrui en tant qu'il est leur oeuvre. Mais je prétends que dans ce cas une telle action, si conforme au devoir, si aimable qu'elle soit, n'a pas cependant de valeur morale véritable, qu'elle va de pair avec d'autres inclinations, avec l'ambition par exemple qui, lorsqu'elle tombe heureusement sur ce qui est réellement en accord avec l'intérêt public et le devoir, sur ce qui par conséquent est honorable, mérite louange et encouragement, mais non respect ; car il manque à la maxime la valeur morale, c'est-à-dire que ces actions soient faites, non par inclination, mais par devoir. Supposez donc que l'âme de ce philanthrope soit assombrie par un de ces chagrins personnels qui étouffent toute sympathie pour le sort d'autrui, qu'il ait toujours encore le pouvoir de faire du bien à d'autres malheureux, mais qu'il ne soit pas touché de l'infortune des autres, étant trop absorbé par la sienne propre, et que, dans ces conditions, tandis qu'aucune inclination ne l'y pousse plus, il s'arrache néanmoins à cette insensibilité mortelle et qu'il agisse, sans que ce soit sous l'influence d'une inclination, uniquement par devoir, alors seulement son action a une véritable valeur morale."
 

Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (1785), première section,traduction V. Delbos (1907).

 
 
    "Mais quelle peut bien être cette loi dont la représentation, sans même avoir égard à l'effet qu'on en attend, doit déterminer la volonté pour que celle-ci puisse être appelée bonne absolument et sans restriction ? Puisque j'ai dépossédé la volonté de toutes les impulsions qui pourraient être suscitées en elles par l'idée des résultats liés à l'observation de quelque loi, il ne reste plus que la conformité universelle des actions à la loi en général, qui doit seule lui servir de principe ; en d'autres termes, je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. Ici donc, c'est la simple conformité à la loi en général (sans prendre pour base quelque loi déterminée pour certaines actions) qui sert de principe à la volonté, et qui doit même lui servir de principe, si le devoir n'est pas une illusion vaine et un concept chimérique".
 
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785, IIe section.


    "Or, je dis que l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen pour l'usage arbitraire de telle ou telle volonté, et que dans toutes ses actions, soit qu'elles ne regardent que lui-même, soit qu'elles regardent aussi d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin. Tous les objets des inclinations n'ont qu'une valeur conditionnelle ; car si les inclinations et les besoins qui en dérivent n'existaient pas, leur objet serait sans valeur. Mais les inclinations mêmes, sources de nos besoins, ont si peu une valeur absolue qui les fasse désirer pour elles-mêmes que tous les êtres raisonnables doivent souhaiter d'en être entièrement délivrés. Ainsi, la valeur de tous les objets, que nous pouvons nous procurer par nos actions, est toujours conditionnelle. Les êtres dont l'existence ne dépend pas de notre volonté, mais de la nature, n'ont aussi, si ce sont des êtres privés de raison, qu'une valeur relative, celle des moyens, et c'est pourquoi on les appelle des choses, tandis qu'au contraire on donne le nom de personnes aux êtres raisonnables, parce que leur nature même en fait des fins en soi, c'est-à-dire quelque chose qui ne doit pas être employé simplement comme moyen, et qui, par conséquent, restreint d'autant l'arbitre de chacun (et lui est un objet de respect). Les êtres raisonnables ne sont pas en effet simplement des fins subjectives, dont l'existence a une valeur pour nous, comme effet de notre action, mais ce sont des fins objectives, c'est-à-dire des choses dont l'existence est par elle-même une fin, et une fin qu'on ne peut subordonner à aucune autre, par rapport à laquelle elle ne serait qu'un moyen. Autrement rien n'aurait de valeur absolue. Mais si toute valeur était conditionnelle, et, par conséquent, contingente, il n'y aurait plus pour la raison de principe pratique suprême."
 
Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 1785, Deuxième section, § 25, trad. J. Muglioni, Bordas, p. 61-62.


    "À supposer que quelqu'un prétende ne pouvoir résister à sa passion luxurieuse quand l'objet aimé et l'occasion se présentent à lui ; on demande si, un gibet se trouvant dressé devant la maison où cette occasion s'offre à lui, pour l'y pendre aussitôt sa passion satisfaite, il lui serait dans ce cas impossible de dompter son inclination. On n'aura pas à chercher longtemps ce qu'il répondrait. Mais demandez-lui si, son prince lui intimant, sous menace de la même mort immédiate, de porter un faux témoignage contre un homme honnête qu'il voudrait perdre, il tiendrait dans ce cas pour possible de le vaincre malgré tout ? Il n'osera peut-être assurer s'il le ferait ou non, mais il devra concéder sans hésitation que cela lui est possible. Il juge donc qu'il peut quelque chose parce qu'il le doit, et il reconnaît en lui la liberté qui, sans la loi morale, lui serait restée inconnue."
 

Kant, Critique de la raison pratique, 1788, 1ère partie, livre I, ch. 1, § 6, scolie. Pléiade t. II, p. 643.


    "Il n'y a pas de différence entre un homme de bonnes moeurs (bene moratus) et un homme moralement bon (moraliter bonus) en ce qui concerne la concordance des actions avec la loi (il ne doit au moins pas y en avoir) ; sauf que chez l'un, les actes n'ont pas toujours et peut-être jamais la loi pour motif unique et suprême, tandis que chez l'autre ils l'ont toujours. Du premier l'on peut dire qu'il se conforme à la loi selon la lettre (c'est-à-dire en ce qui concerne l'action que la loi ordonne), mais de l'autre, qu'il l'observe suivant l'esprit (l'esprit de la loi morale consiste en ceci que cette loi seule suffit comme motif). Ce qui ne se fait pas dans cette croyance, est péché [1] (suivant l'ordre de la pensée). Car si d'autres motifs que la loi même sont nécessaires pour déterminer l'arbitre à des actions conformes à la loi (par exemple l'ambition, l'amour de soi en général, même, un instinct bienveillant tel que la pitié), la concordance de ces actes avec la loi est purement contingente ; car ils pourraient aussi bien pousser à sa transgression. Ainsi la maxime dont la bonté doit faire apprécier toute la valeur morale de la personne est par conséquent contraire à la loi et l'homme alors même qu'il n'accomplirait que de bonnes actions, est cependant mauvais".

Kant, La religion dans les limites de la simple raison, 1793, Première partie, § II, tr. fr. M. Naar, Paris, 2000, Vrin, p. 97.
[1] Romains, XIV, 23.


 "[…] si nous violons [les règles morales], nous nous exposons à des conséquences fâcheuses ; nous risquons d'être blâmés, mis à l'index, frappés même matériellement dans notre personne ou dans nos biens. Mais c'est un fait constant, incontestable, qu'un acte n'est pas moral, alors même qu'il serait matériellement conforme à la règle, si c'est la perspective de ces conséquences fâcheuses qui l'a déterminé. Ici, pour que l'acte soit tout ce qu'il doit être, pour que la règle soit obéie comme elle doit être obéie, il faut que nous y déférions, non pour éviter tel résultat désagréable, tel châtiment matériel ou moral, ou pour obtenir telle récompense ; il faut que nous y déférions tout simplement parce que nous devons y déférer, abstraction faite des conséquences que notre conduite peut avoir pour nous. Il faut obéir au précepte moral par respect pour lui, et pour cette seule raison. Toute l'efficacité qu'il a sur les volontés, il la tient donc exclusivement de l'autorité dont il est revêtu. Ici, l'autorité est seule agissante, et un autre élément ne peut s'y mêler sans que la conduite, dans la même mesure, perde son caractère moral. Nous disons que toute règle commande, mais la règle morale est tout entière commandement et n'est pas autre chose. Voilà pourquoi elle nous parle de si haut, pourquoi, quand elle a parlé, toutes les autres considérations doivent se taire."
 
Émile Durkheim, L'éducation morale, 1902, Première partie, Deuxième leçon.
 

Date de création : 18/11/2005 @ 12:11
Dernière modification : 10/06/2013 @ 19:27
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