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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
Le but de la science / la motivation du savant
 "Des buts de la science.
 Qu'est-ce à dire ? La fin dernière de la science serait de procurer à l'homme le plus de plaisir possible et de lui éviter le moins de déplaisir possible ? Mais qu'en sera-t-il, dès lors que le plaisir et le déplaisir se trouveraient ne former qu'un seul noeud, si bien que quiconque veut avoir le plus de plaisir possible, doit souffrir au moins autant de déplaisir — que quiconque veut apprendre à a « jubiler jusqu'au ciel », doit se préparer à « être triste jusqu'à la mort » ? Et ainsi les choses se tiennent peut-être ! Les stoïciens du moins le croyaient, et ils étaient conséquents à désirer le moins de plaisir possible pour avoir de la vie le moins de déplaisir possible. (La sentence que l'on avait sans cesse à la bouche : « L'homme vertueux est le plus heureux », pouvait servir autant d'enseigne de l'école auprès de la grande masse que de subtiles casuistiques aux subtils.)."
 
Nietzsche, Le Gai savoir, 1882, I, § 12, Gallimard, p. 51.


   "La mission de la science est celle-ci : en constatant les rapports généraux des choses passagères et réelles, en reconnaissant les lois générales inhérentes au développement des phénomènes tant du monde physique que du monde social, elle plante pour ainsi dire les jalons immuables de la marche progressive de l'humanité, en indiquant aux hommes les conditions générales dont l'observation rigoureuse est nécessaire et dont l'ignorance ou l'oubli seront toujours fatals. En un mot, la science, c'est la boussole de la vie ; mais ce n'est pas la vie. La science est immuable, impersonnelle, générale, abstraite, insensible, comme les lois, dont elle n'est rien que la reproduction idéale, réfléchie ou mentale, c'est-à-dire cérébrale (pour nous rappeler que la science elle-même n'est rien qu'un produit matériel, d'un organe matériel de l'organisation matérielle de l'homme, le cerveau). La vie est toute fugitive et passagère, mais aussi toute palpitante de réalité et d'individualité, de sensibilité, de souffrances, de joies, d'aspirations, de besoins et de passions. C'est elle seule qui, spontanément, crée les choses et tous les êtres réels. La science ne crée rien, elle constate, et reconnaît seulement les créations de la vie. Et toutes les fois que les hommes de la science, sortant de leur monde abstrait, se mêlent de création vivante dans le monde réel, tout ce qu'ils proposent ou créent est pauvre, ridiculement abstrait, privé de sang et de vie, mort-né, pareil à l'homunculus créé par Wagner, non le musicien de l'avenir, lui-même une sorte de créateur abstrait, mais le disciple pédant de l'immortel docteur Faust de Goethe. Il en résulte que la science a pour mission unique d'éclairer la vie, non de la gouverner."
 
Bakounine, Dieu et l'État, 1882, Mille et une nuits, p. 64-65.

 

  "Le Temple de la Science se présente comme une construction à mille formes. Les hommes qui le fréquentent ainsi que les motivations morales qui y conduisent se révèlent tous différents. L'un s'adonne à la Science dans le sentiment de bonheur que lui procure cette puissance intellectuelle supérieure. Pour lui la Science se découvre le sport adéquat, la vie débordante d'énergie, la réalisation de toutes les ambitions. Ainsi doit-elle se manifester ! Mais beaucoup d'autres se rencontrent également en ce Temple qui, exclusivement pour une raison utilitaire, n'offrent en contrepartie que leur substance cérébrale ! Si un ange de Dieu apparaissait et chassait du Temple tous les hommes qui font partie de ces deux catégories, ce Temple se viderait de façon significative mais on y trouverait encore tout de même des hommes du passé et du présent. Parmi ceux-là nous trouverions notre Planck. C'est pour cela que nous l'aimons.
  Je sais bien que, par notre apparition, nous avons chassé d'un coeur léger beaucoup d'hommes de valeur qui ont édifié le Temple de la Science pour une grande, peut-être pour la plus grande partie. Pour notre ange, la décision à prendre serait bien difficile dans grand nombre de cas. Mais une constatation s'impose à moi. II n'y aurait eu que des individus comme ceux qui ont été exclus, eh bien le Temple ne se serait pas édifié, tout autant qu'une forêt ne peut se développer si elle n'est constituée que de plantes grimpantes ! En réalité ces individus se contentent de n'importe quel théâtre pour leur activité. Les circonstances extérieures décideront de leur carrière d'ingénieur, d'officier, de commerçant ou de scientifique. Mais regardons à nouveau ceux qui ont trouvé grâce aux yeux de l'ange. Ils se révèlent singuliers, peu communicatifs, solitaires et malgré ces points communs se ressemblent moins entre eux que ceux qui ont été expulsés. Qu'est-ce qui les a conduits au Temple ? La réponse n'est pas facile à fournir et ne peut assurément pas s'appliquer uniformément à tous. Mais d'abord en premier lieu, avec Schopenhauer, je m'imagine qu'une des motivations les plus puissantes qui incitent à une oeuvre artistique ou scientifique, consiste en une volonté d'évasion du quotidien dans sa rigueur cruelle et sa monotonie désespérante, en un besoin d'échapper aux chaînes des désirs propres éternellement instables. Cela pousse les êtres sensibles à se dégager de leur existence personnelle pour chercher l'univers de la contemplation et de la compréhension objectives. Cette motivation ressemble à la nostalgie qui attire le citadin loin de son environnement bruyant et compliqué vers les paisibles paysages de la haute montagne, où le regard vagabonde à travers une atmosphère calme et pure, et se perd dans les perspectives reposantes semblant avoir été créées pour l'éternité.
  À cette motivation d'ordre négatif s'en associe une autre plus positive. L'homme cherche à se former de quelque manière que ce soit, mais selon sa propre logique, une image du monde simple et claire. Ainsi surmonte-t-il l'univers du vécu parce qu'il s'efforce dans une certaine mesure de le remplacer par cette image. Chacun à sa façon procède de cette manière, qu'il s'agisse d'un peintre, d'un poète, d'un philosophe spéculatif ou d'un physicien. À cette image et sa réalisation il consacre l'essentiel de sa vie affective pour acquérir ainsi la paix et la force qu'il ne peut pas obtenir dans les limites trop restreintes de l'expérience tourbillonnante et subjective."

 

Einstein, Discours prononcé à l'occasion du soixantième anniversaire de Max Planck, 26 avril 1918, tr. fr. Maurice Solovine et Régis Hanrion, in Comment je vois le monde, Champs Flammarion, 1989, p. 121-123.


 

 "L'amour de la connaissance auquel est dû le développement de la science est lui-même le produit d'une double impulsion. Nous pouvons chercher la connaissance d'un objet parce que nous aimons l'objet ou parce que nous souhaitons avoir du pouvoir sur lui. La première impulsion conduit au genre de connaissance qui est contemplatif, la deuxième au genre qui est pratique. Dans l'évolution de la science l'impulsion qui vise le pouvoir l'a emporté de plus en plus sur l'impulsion qui cherche l'amour. L'impulsion qui vise le pouvoir est incarnée dans l'industrialisme et dans la technique gouvernementale. Elle est incarnée également dans les philosophies connues sous les noms de pragmatisme et d'instrumentalisme. Chacune de ces philosophies soutient, au sens large, que nos croyances concernant un objet quelconque sont vraies dans la mesure où elles nous rendent capables de le manipuler de façon avantageuse pour nous-mêmes. C'est ce que l'on peut appeler une conception gouvernementale de la vérité. De la vérité ainsi conçue, la science nous offre une quantité importante ; effectivement il ne semble pas y avoir de limite à ses triomphes possibles. À l'homme qui désire changer son environnement la science offre des outils d'une puissance étonnante, et si la connaissance consiste dans le pouvoir de produire des changements que l'on a en vue, alors la science nous procure la connaissance en abondance."
 
Bertrand Russell, The Scientific Outlook, 1931, George Allen & Unwin, London, p. 270.

 
 "La tâche de la science, commencée depuis des millénaires est de poursuivre une adaptation de plus en plus précise de notre esprit à la réalité, de construire une représentation de plus en plus adéquate du monde qui nous entoure et auquel nous appartenons, pour le comprendre d’abord, puis passer de la compréhension à la prévision et ensuite à l’action."
 
Paul Langevin, "Préface", in Marie Lahy-Hollebecque (dir.), L'Évolution humaine des origines à nos jours. Étude biologique, psychologique, et sociologique de l'homme, Paris :Quillet, 1934, t. 1, p. XI.

 

  "Quel est le but de la recherche scientifique ? Cette question n'est pas, logiquement parlant, une question de vérité ou de fausseté, mais une question de décision volontaire, et la décision qui est déterminée par la réponse à cette question appartient au type « bifurcation ». Si quelqu'un nous dit qu'il étudie la science pour son plaisir et pour remplir ses heures de loisir, nous ne pouvons pas formuler l'objection selon laquelle ce raisonnement est un « énoncé erroné » - ce n'est aucunement un énoncé mais une décision, et chacun a le droit de faire ce qu'il veut. Nous pouvons objecter qu'une telle détermination est opposée à l'usage normal des mots, et que ce qu'il appelle le but de la science est généralement ce que l'on appelle le but d'un jeu - cela serait un énoncé vrai. Cet énoncé appartient à la partie descriptive de l'épistémologie;nous pouvons montrer que dans les livres et les discours le mot « science » est toujours associé à « découvrir la vérité », parfois aussi à « prévoir le futur ». Mais logiquement parlant, c'est une question de décision volontaire."
 

Hans Reichenbach, Expérience et prédiction, 1938, Chapitre I, § 1, "Les trois tâches de l'épistémologie", tr. fr. Alexis Bienvenu, in Philosophie des sciences – Théories, expériences et méthodes, Vrin, 2004, p. 310-311.


 

 
 "La science remplit deux fonctions. Tout d'abord, elle nous offre de nouvelles façons de manipuler le monde matériel par la production d'un ensemble de techniques, de pratiques et d'inventions, par lesquelles de nouvelles choses sont produites et grâce auxquelles notre qualité de vie se trouve changée. Ce sont ces aspects de la science auxquels les scientifiques font appel lorsqu'ils essaient d'obtenir de l'argent des gouvernements, ou quand, dans leurs démarches de relations publiques destinées à maintenir leur prospérité, ils apparaissent dans les premières pages des journaux. Nous lisons de façon répétée que « la science a découvert » quelque chose, mais le plus souvent ces annonces sont entourées de qualificatifs. Les biologistes découvrent « la preuve de » l'existence de gènes qui « pourraient un jour » conduire à « un possible » remède contre le cancer. Tandis que leurs rapports par trop optimistes engendrent un certain cynisme, il n'en reste pas moins vrai que les scientifiques changent la manière dont nous faisons face au monde matériel.
 La deuxième fonction de la science, qui est parfois indépendante et parfois étroitement liée à la première, est la fonction d'explication. Si les scientifiques ne changent pas réellement le mode matériel de notre existence, ils sont constamment en train d'expliquer pourquoi les choses sont comme elles sont. On dit souvent que ces théories sur le monde doivent être produites pour, en fin de compte, changer le monde par la pratique. Après tout, comment peut-on guérir le cancer sans comprendre ce qui cause le cancer ? Comment pouvons-nous augmenter la production alimentaire si nous ne comprenons pas les lois de la génétique et la nutrition des plantes et des animaux ?
   Pourtant, il est remarquable de voir combien la science pratique d'importance a été tout à fait indépendante de la théorie."
 
Richard Lewontin, Biology as ideology, 1991, tr. fr. P.-J. Haution, HarperPerennial, 1992, p. 4.
 
 "Science serves two functions. First, it provides us with new ways of manipulating the material world by producing a set of techniques, practices, and inventions by which new things are produced and by which the quality of our lives is changed. These are aspects of science to which scientists appeal when they try to get money from governments or when they appear on the front pages of newspapers in their public relations efforts to maintain their prosperity. We read repeatedly about how “science has discovered” something, but more often than not those announcements are hedged with qualifiers. Biologists discover “evidence for” genes that “may one day” lead to “a possible” cure for cancer. While their over-optimistic reports breed a certain cynicism, it is nevertheless true that scientists do actually change the way we confront the material world.
 The second function of science, which is sometimes independent and sometimes closely related to the first, is the function of explanation. But if scientists are not actually changing the material mode of our existence, they are constantly explaining why things are the way they are. It is often said that these theories about the world must be produced in order, ultimately, to change the world through practice. After all, how can we cure cancer unless we understand what causes cancer ? How can we increase food production unless we understand the laws of genetics and plant and animal nutrition ?
 Yet it is remarkable how much important practical science has been quite independent of theory."
 
Richard Lewontin, Biology as ideology, 1991, HarperPerennial, 1992, p. 4.

 

 

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Date de création : 19/12/2010 @ 10:24
Dernière modification : 21/11/2022 @ 10:48
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