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Hors des sentiers battus
Rêvons-nous de moutons électriques ?
Rêvons-nous de moutons électriques ?


  On dit souvent, avec platitude, que la réalité dépasse la fiction ; et il est vrai que la science a rattrapé Jules Verne, Huxley, ou Asimov. Toutefois, elle ne faisait alors que rendre hommage à leur génie anticipateur, honorant de son succès une imagination visionnaire. Hélas, le temps des hommages est bel et bien révolu. Pour qui fréquente de nos jours les laboratoires, à la recherche de quelques sombres arcanes scientifiques, le réel a depuis longtemps devancé les élans inventifs des auteurs parvenus ou à venir. Le savant évolue désormais dans un monde dont l'onirisme débridé déborde de très loin l'univers creux de n'importe quel écrivain, fût-il de S-F. Aussi pouvons-nous le dire nettement : aujourd'hui, toute œuvre qui se voudrait véritablement de science "-fiction" est mort-née. Pour nous en convaincre, intéressons-nous à l'intrigante question que posait le titre original du Blade Runner de Philip K. Dick : Do androïds dream of electric sheep ? (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?)

  Dans une conférence donnée en 1950 à l'University College de Dublin et intitulée Science et humanisme, Erwin Schrödinger (prix Nobel de Physique en 1933), s'interrogeant sur l'utilité de la science et ayant balayé d'un revers de main la conception utilitariste de celle-ci (conception selon laquelle la science aurait pour but d'augmenter le bonheur de la race humaine) parvient à cette conclusion : le but de la science est "d'obéir au commandement de la divinité de Delphes, connais-toi toi-même", en d'autres termes de répondre à la question : "Qui sommes-nous ?" J'ai bien peur que cette question reste sans réponse, ou du moins que ce ne soit pas la science qui puisse jamais l'apporter. En revanche, il est une question à laquelle celle-ci a bel et bien donné réponse, celle de savoir non pas qui, mais que sommes-nous ?

  Que sommes-nous ? En réalité, si nous en croyons le chercheur, nous ne sommes que d'ingénieuses machines ayant passé avec succès depuis environ 3,8 milliards d'années tous les tests d'adaptabilité proposés par ce que, par commodité, j'appellerai "la nature".
  Dans son livre Can a computer be conscious ?, John Searle écrit que si vous définissez une machine comme un système physique qui exécute certaines fonctions, alors nos cerveaux sont des machines :

"Je suis une machine qui pense... La question : "Un ordinateur peut-il être conscient ? a une réponse triviale, Oui. Mon cerveau est un ordinateur. Regardez 2 + 2 = 4, c'est un calcul informatique. Donc, je suis une machine qui pense".

Cette réponse peut paraître platement ironique, mais elle est lourde de sens.

  Petit rappel historique : c'est au XVIIe siècle que le philosophe français René Descartes développe une théorie devenue célèbre et qui va influencer toute la pensée occidentale pendant plus de trois siècles. À la question : "Que sommes-nous ?", Descartes répond que nous sommes un composé de deux substances, un corps fait de matière qui a pour propriété l'étendue et qui obéit aux règles de la mécanique, et une âme immatérielle qui a pour trait distinctif la pensée. Nous nous différencions ainsi des animaux qui, parce qu'ils n'ont qu'un corps, ne sont que des machines très complexes obéissant à des lois parfaitement définies et sont incapables de la moindre pensée (ce sont les fameux "animaux-machines" de Descartes). L'équation est donc simple : si vous pensez, alors vous êtes plus qu'une machine ; et si vous êtes une machine, alors vous ne pensez pas.
   Malheureusement, cette élémentaire équation, qui préservait jusque-là notre place privilégiée au sein du règne biologique, remise en cause par Searle, l'est depuis peu de manière encore plus radicale.

  Jean-Louis Krivine, mathématicien français, a semble t-il démontré que notre pensée au sens large (des rêves au discours des hommes politiques) est réductible à une seule et même structure logique : le "lambda-calcul", qui n'est autre que le langage utilisé par les informaticiens pour la programmation. Il y a donc une parfaite analogie entre notre cerveau et un ordinateur. Attention cependant, ce n'est pas le premier qui ressemble au second, mais, l'ancienneté primant, c'est le second qui copie le premier. Ce qui n'empêche pas la conclusion d'être la même. Si nous ne faisons que calculer, et si la capacité de calcul définit la machine, alors nous ne sommes que des machines. Revenons alors à nos moutons (électriques en l'occurrence).
   La définition d'un androïde est la suivante : "automate (autrement dit machine) à aspect humain". Étant des machines à l'apparence manifestement humaine, nous sommes donc des androïdes. Chacun de nous peut ainsi répondre à la question posée par K. Dick, il suffit pour cela d'une simple introspection. C.Q.F.D.

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Date de création : 02/02/2011 @ 15:07
Dernière modification : 02/02/2011 @ 15:11
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