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Texte à méditer :   De l'amibe à Einstein, il n'y a qu'un pas.   Karl Popper
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Hors des sentiers battus
La notion de devoir

  "La représentation d'un principe objectif, en tant que ce principe est contraignant pour une volonté, s'appelle un commandement (de la raison), et la formule du commandement s'appelle un impératif.
  Tous les impératifs sont exprimés par le verbe devoir, et ils indiquent par là le rapport d'une loi objective de la raison à une volonté qui, selon sa constitution subjective, n'est pas nécessairement déterminée par cette loi (une contrainte). Ils disent qu'il serait bon de faire telle chose ou de s'en abstenir ; mais ils le disent à une volonté qui ne fait pas toujours une chose parce qu'il lui est représenté qu'elle est bonne à faire. Or cela est pratiquement bon, qui détermine la volonté au moyen de représentations de la raison, par conséquent non pas en vertu de causes subjectives, mais objectivement, c'est-à-dire en vertu de principes qui sont valables pour tout être raisonnable en tant que tel. Ce bien pratique est distinct de l'agréable, c'est-à-dire de ce qui a de l'influence sur la volonté uniquement au moyen de la sensation en vertu de causes purement subjectives, valables seulement pour la sensibilité de tel ou tel, et non comme principe de la raison, valable pour tout le monde. […]

  Or tous les impératifs commandent ou hypothétiquement ou catégoriquement. Les impératifs hypothétiques représentent la nécessité pratique d'une action possible, considérée comme un moyen d'arriver à quelque autre chose que l'on veut (ou du moins qu'il est possible que l'on veuille). L'impératif catégorique serait celui qui représenterait une action comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme nécessaire objectivement.
  Puisque toute loi pratique représente une action possible comme bonne, et par conséquent comme nécessaire pour un sujet capable d'être déterminé pratiquement par la raison,tous les impératifs sont des formules par lesquelles est déterminée l'action qui, selon le principe d'une volonté bonne en quelque façon, est nécessaire. Or si l'action n'est bonne que comme moyen pour quelque autre chose, l'impératif est hypothétique ; si est représentée comme bonne en soi, par suite comme étant nécessairement dans une volonté qui est en soi conforme à la raison, alors, l'impératif est catégorique. »

 

Kant, Fondements de la Métaphysique des mœurs, 1785, 2ème section, tr. fr. V. Delbos, éd. Delagrave, 1959, p. 123-125.



  "Le devoir est quelque chose de complètement indéterminé, – alors que le droit recherche les déterminations rigoureuses. Cette différence tient à ce que le second trouve une base réelle dans l'économie de la production, tandis que le premier est fondé sur des sentiments de résignation, de bonté, de sacrifice : et qui jugera si celui qui se soumet au devoir a été assez résigné, assez bon, assez sacrifié ? Le chrétien est persuadé que jamais il ne peut parvenir à faire tout ce que lui commande l'évangile ; quand il est affranchi de tout lien économique (dans le couvent), il invente toutes sortes d'obligations pieuses, de manière à rapprocher sa vie de celle du Christ, qui aima les hommes au point d'avoir accepté, pour les racheter, un sort ignominieux.
  Dans le monde économique, chacun limite son devoir d'après la répugnance qu'il éprouve à abandonner certains profits ; si le patron estime toujours qu'il a fait tout son devoir, le travailleur sera d'un avis opposé, et aucune raison ne pourra les départager : le premier pourra croire qu'il a été héroïque, et le second pourra traiter ce prétendu héroïsme d'exploitation honteuse."

 

Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, chapitre I, II, Éditions du Trident, 1987, p. 51.



  "Que signifie le mot « doit » ? « Un enfant doit faire telle chose » signifie : s'il ne le fait pas, telle ou telle chose désagréable va se produire. Récompense et punition. L'essentiel est ici que l'autre soit poussé à faire quelque chose. Un « doit » n'a donc de sens que si quelque chose se tient derrière le « doit » pour lui conférer un caractère pressant, une force qui punit et récompense. Un « doit » est en soi dépourvu de sens."
 
Ludwig Wittgenstein, Entretiens de Wittgenstein (1929-1932), in Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, PUF, 1985, p. 269.

  
  "Dans la mesure où le mot de « norme » désigne une prescription ou un ordre la « norme» signifie que quelque chose doit être ou avoir lieu. Son expression linguistique est un impératif ou une proposition normative. L'acte, dont la signification est que quelque chose est ordonné ou prescrit, est un acte de volonté. Ce qui est ordonné ou prescrit est en premier lieu un comportement humain déterminé. Celui qui ordonne ou prescrit quelque chose, veut que quelque chose doit avoir lieu. Le devoir-être, la norme est la signification d'une volonté, d'un acte de volonté et - quand la norme est une prescription ou un commandement -, la signification d'un acte, qui est dirigé vers le comportement d'autrui, d'un acte dont la signification est qu'une autre personne (ou d'autres personnes) doit se comporter d'une manière déterminée."
 
Hans Kelsen, Théorie générale des normes, Chapitre I, § 3, 1979, tr. fr. Olivier Béaud et Fabrice Malkani, PUF, 1996, p. 2.


  "Les impératifs « universels » ordinaires comme « Interdit de fumer » se distinguent des jugements de valeur en ce qu'ils ne sont pas véritablement universels. Nous sommes ainsi en mesure de faire une distinction entre ces deux types d'énoncés sans revenir le moins du monde sur ce que j'ai dit au sujet de la relation entre jugements de valeur et impératifs. Car l'universel complet et l'universel incomplet impliquent l'un et l'autre le singulier : « Ne fumez jamais dans ce compartiment » implique l'impératif « Ne fumez pas (à  l'instant  présent) dans ce compartiment » ; il en va de même pour « Vous ne devriez pas (ought not) fumer dans ce compartiment », s'il s'agit d'un jugement de valeur. Mais la dernière phrase implique également, à l'inverse de la première, « Personne ne devrait fumer dans un compartiment exactement semblable à celui-ci, quel qu'il soit », et cette formule implique à son tour l'impératif « Ne fumez pas dans un compartiment exactement comme celui-ci, quel qu'il soit ».
  Ces considérations ne suffisent pas à elles seules à rendre compte des façons tout à fait différentes dont sont perçus la formule « Vous ne devriez pas… » (You ought not) et l'impératif « Ne faites jamais ceci ou cela… ». Deux facteurs supplémentaires interviennent. J'ai déjà fait allusion au premier : l'universalité complète du jugement moral signifie que nous ne pouvons y échapper ; son acceptation est, par conséquent, une affaire beaucoup plus grave que l'acceptation d'un impératif au domaine d'application duquel nous pouvons toujours nous soustraire. Cela expliquerait  pourquoi  les  impératifs  comme  ceux  contenus dans les lois d'un État, qui sont d'une application très générale, et auxquels il est par suite difficile d'échapper, sont perçus comme plus proches des jugements moraux que les règlements des Chemins de fer. Mais surtout les principes moraux, en partie à cause de leur universalité complète, sont devenus si enracinés (entrenched) dans nos esprits – selon les voies que j'ai déjà décrites – qu'ils ont acquis un caractère presque factuel et sont parfois même utilisés non comme des jugements de valeur, mais comme de simples énoncés de fait, comme nous l'avons vu. Rien de tout cela n'est vrai des impératifs comme « Ne fumez pas », et cela suffirait à expliquer la différence dans la façon dont sont perçus les deux types d'énoncés. Cependant, comme mon intention  n'est  pas  de  nier  que  les  jugements  moraux soient utilisés parfois de façon non évaluative, mais seulement d'affirmer qu'il y a des emplois  évaluatifs,  cette différence dans la façon dont ces deux types sont perçus ne détruit nullement mon argument. Il serait absurde, en effet, d'affirmer que « Interdit de fumer » équivaut à tous égards à « Vous ne devriez pas fumer ». Ce que j'ai affirmé, c'est seulement qu'ils ont ceci en commun qu'ils impliquent tous les deux des impératifs singuliers tels que « Ne fumez pas » (à l'instant présent)."

 

R. -M. Hare, The Language of Morals, 1952, tr. fr. par J. Lacoste, Oxford, Oxford University Press, 1961, p. 178.


Date de création : 10/05/2011 @ 17:57
Dernière modification : 22/02/2024 @ 10:31
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