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Texte à méditer :  Une vie sans examen ne mérite pas d'être vécue.  Socrate
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Hors des sentiers battus
Le refus/la critique de la loi
  "Il est donc nécessaire de bien déterminer quels droits le nom de loi, attaché à certains actes, leur donne sur notre obéissance, et, ce qui est encore différent, quels droits il leur donne à notre concours. Il est nécessaire d'indiquer les caractères qui font qu'une loi n'est pas une loi.
  La rétroactivité est le premier de ces caractères. Les hommes n'ont consenti aux entraves des lois que pour attacher à leurs actions des conséquences certaines, d'après lesquelles ils pussent se diriger, et choisir la ligne de conduite qu'ils voulaient suivre. La rétroactivité leur ôte cet avantage. Elle rompt la condition du traité social. Elle dérobe le prix du sacrifice qu'elle a imposé.
  Un second caractère d'illégalité dans les lois, c'est de prescrire des actions contraires à la morale. Toute loi qui ordonne la délation, la dénonciation, n'est pas une loi ; toute loi portant atteinte à ce penchant qui commande à l'homme de donner refuge à quiconque lui demande asile, n'est pas une loi. Le gouvernement est institué pour surveiller ; il a ses instruments pour accuser, pour poursuivre, pour découvrir, pour livrer, pour punir ; il n'a point le droit de faire retomber sur l'individu, qui ne remplit aucune mission, ces devoirs, nécessaires, mais pénibles. Il doit respecter dans les citoyens cette générosité qui les porte à plaindre et à secourir, sans examen, le faible frappé par le tort. […]
  Toute loi qui divise les citoyens en classes, qui les punit de ce qui n'a pas dépendu d'eux, qui les rend responsables d'autres actions que les leurs, toute loi pareille n'est pas une loi. Les lois contre les nobles, contre les prêtres, contre les pères déserteurs, contre les parents des émigrés, n'étaient pas des lois."
 
Benjamin Constant, Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France, Annexe 1, 1815, in Écrits politiques, 2004, Folio essais, p. 519 et p. 520.

 

  "Ce qui dans une société est conforme au droit, ce qui est juste, est formulé par la Loi.
  Quelle que soit la loi, le devoir de tout citoyen loyal est de la respecter. Ainsi l'esprit de légalité de la vieille Angleterre est célèbre. Que l'on rapproche de ce respect de la loi le mot d'Euripide (Oreste, 412) : « Nous servons les dieux quels qu'ils soient. » La Loi quelle qu'elle soit, Dieu quel qu'il soit, nous en sommes encore là aujourd'hui.
  On s'efforce de distinguer la Loi de l'ordre arbitraire, ukase, ordonnance ou décret, en disant que la première émane d'une autorité légitime. Mais toute loi qui régit des actions humaines (loi morale, loi de l'État, etc.) est l'expression d'une volonté, et, par conséquent, un ordre. Oui, si même c'était moi qui me donnais ces lois, elles ne seraient encore que des ordres que je me serais donnés et auxquels je pourrais un instant après refuser d'obéir. Chacun est libre de déclarer que telle chose lui convient, de s'interdire ensuite par une loi de faire le contraire et de considérer comme son ennemi quiconque transgresse cette loi ; mais nul n'a d'ordres à me donner, nul ne peut me prescrire ce que j'ai à faire et m'en faire une loi. Je dois bien accepter qu'il me traite en ennemi, mais jamais je ne tolérerai qu'il use de moi comme de sa créature et qu'il me fasse une règle de sa raison ou de sa déraison."

 

Max Stirner, L'Unique et sa propriété, 1844, tr. fr. Robert L. Reclaire, Éditions Stock, 1900, p. 232.

 

  "Ce qui dans une société est conforme au droit, ce qui est juste, est formulé par la Loi.
  Quelle que soit la loi, le devoir de tout citoyen loyal est de la respecter. Ainsi l'esprit de légalité de la vieille Angleterre est célèbre. Que l'on rapproche de ce respect de la loi le mot d'Euripide (Oreste, 412) : « Nous servons les dieux quels qu'ils soient. » La Loi quelle qu'elle soit, Dieu quel qu'il soit, nous en sommes encore là aujourd'hui.

  On s'efforce de distinguer la Loi de l'ordre arbitraire, ukase, ordonnance ou décret, en disant que la première émane d'une autorité légitime. Mais toute loi qui régit des actions humaines (loi morale, loi de l'État, etc.) est l'expression d'une volonté, et, par conséquent, un ordre. Oui, si même c'était moi qui me donnais ces lois, elles ne seraient encore que des ordres que je me serais donnés et auxquels je pourrais un instant après refuser d'obéir. Chacun est libre de déclarer que telle chose lui convient, de s'interdire ensuite par une loi de faire le contraire et de considérer comme son ennemi quiconque transgresse cette loi ; mais nul n'a d'ordres à me donner, nul ne peut me prescrire ce que j'ai à faire et m'en faire une loi. Je dois bien accepter qu'il me traite en ennemi, mais jamais je ne tolérerai qu'il use de moi comme de sa créature et qu'il me fasse une règle de sa raison ou de sa déraison.
  Les États ne peuvent subsister qu'à condition qu'il y ait une volonté souveraine, considérée comme traduisant la volonté individuelle. La volonté du maître est — la Loi. À quoi te servent tes lois, si personne ne les suit ? tes ordres, si personne ne se les laisse imposer ? L'État ne peut renoncer à la prétention de régner sur la volonté de l'individu, de compter et de spéculer dessus. Il lui est absolument indispensable que nul n'ait de volonté propre ; celui qui en aurait une, l'État serait obligé de l'exclure (emprisonner, bannir, etc.), et si tous en avaient une, ils supprimeraient l'État. On ne peut concevoir l'État sans la domination et la servitude, car l'État doit nécessairement vouloir être le maître de tous ses membres, et cette volonté porte le nom de volonté de l'État.
  Celui qui doit, pour exister, compter sur le manque de volonté des autres est tout bonnement un produit de ces autres, comme le maître est un produit du serviteur. Si la soumission venait à cesser, c'en serait fait de la domination.
  Ma volonté d'individu est destructrice de l'État ; aussi la flétrit-il du nom d'indiscipline. La volonté individuelle et l'État sont des puissances ennemies, entre lesquelles aucune « paix éternelle » n'est possible. Tant que l'État se maintient, il proclame que la volonté individuelle, son irréconciliable adversaire, est déraisonnable, mauvaise, etc. Et la volonté individuelle se laisse convaincre, ce qui prouve qu'elle l'est en effet ; elle n'a pas encore pris possession d'elle-même, ni pris conscience de sa valeur ; aussi est-elle encore incomplète, malléable, etc.
  Tout État est despotique, que le despote soit un, qu'il soit plusieurs, ou que (et c'est ainsi qu'on peut se représenter une république), tous étant maîtres, l'un soit le despote de l'autre. Ce dernier cas se présente, par exemple, lorsque, à la suite d'un vote, une volonté exprimée par une assemblée du peuple devient pour l'individu une loi à laquelle il doit obéissance ou à laquelle son devoir est de se conformer. Imaginez même le cas où chacun des individus composant le peuple aurait exprimé la même volonté, supposez qu'il y ait eu parfaite « unanimité » : la chose reviendrait encore au même. Ne serais-je pas lié, aujourd'hui et toujours, à ma volonté d'hier ? Ma volonté dans ce cas serait immobilisée, paralysée. Toujours cette malheureuse stabilité ! Un acte de volonté déterminé, ma création, deviendrait mon maître ! Et moi qui ai voulu, moi le créateur, je me verrais entravé dans ma course sans pouvoir rompre mes liens ? Parce que j'étais hier un fou, j'en devrais être un toute ma vie ? Ainsi donc, être l'esclave de moi-même est ce que je puis attendre de mieux — je pourrais tout aussi bien dire de pire — de ma participation à la vie de l'État. Parce que hier j'ai voulu, aujourd'hui je n'aurai plus de volonté ; maître hier, je serai aujourd'hui esclave.
  Quel remède à cela ? Un seul : ne reconnaître aucun devoir, c'est-à-dire ne pas me lier et ne pas me regarder comme lié. Si je n'ai pas de devoir, je ne connais pas non plus de loi.
  « Mais on me liera ! » — Personne ne peut enchaîner ma volonté, et je resterai toujours libre de ne pas vouloir."

 

Max Stirner, L'Unique et sa propriété, 1844, tr. fr. Robert L. Reclaire, Éditions Stock, 1900, p. 232-234.

 


Date de création : 21/05/2011 @ 13:41
Dernière modification : 16/12/2025 @ 09:35
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