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Texte à méditer :  Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon doigt.  David Hume
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Explication de texte (Freud, L'avenir d'une illusion)
Corrigé du devoir n°1 : explication du texte de Freud extrait de L'avenir d'une illusion
 
Expliquer le texte suivant :
 
 "La culture humaine – j'entends par là tout ce en quoi la vie humaine s'est élevée au-dessus de ses conditions animales et ce en quoi elle se différencie de la vie des bêtes, et je dédaigne de séparer culture et civilisation – présente, comme on sait, deux faces à l'observateur. Elle englobe d'une part tout le savoir et tout le savoir-faire que les hommes ont acquis afin de dominer les forces de la nature et de gagner sur elle des biens pour la satisfaction des besoins humains, et d'autre part tous les dispositifs qui sont nécessaires pour régler les relations des hommes entre eux et en particulier la répartition des biens accessibles. Ces deux orientations de la culture ne sont pas indépendantes l'une de l'autre, premièrement parce que les relations mutuelles des hommes sont profondément influencées par la mesure de satisfaction pulsionnelle que permettent les biens disponibles, deuxièmement parce que l'homme lui-même, pris isolément, est susceptible d'entrer avec un autre dans une relation qui fait de lui un bien, pour autant que cet autre utilise sa force de travail ou le prend pour objet sexuel ; mais aussi, troisièmement, parce que chaque individu est virtuellement un ennemi de la culture, laquelle est pourtant censée être d'intérêt humain universel. Il est remarquable que les hommes, si tant est qu'ils puissent exister dans l'isolement, ressentent néanmoins comme une pression pénible les sacrifices que la culture attend d'eux pour permettre la vie en commun. La culture doit donc être défendue contre l'individu, et ses dispositifs, institutions et commandements se mettent au service de cette tâche ; ceux-ci visent non seulement à instaurer une certaine répartition des biens, mais encore à la maintenir ; de fait, ils doivent protéger contre les motions hostiles des hommes tout ce qui sert à contraindre la nature et à produire des biens".
 
Freud, L'avenir d'une illusion, 1927, tr. A. Balseinte, J-G Delarbre et D. Hartmann, Paris, PUF, 1995, p. 6.
 
 La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
 
Introduction
 
Question posée : pourquoi est-il nécessaire pour les hommes d'assurer l'existence de la culture ?
Problème traité : il y a un paradoxe dans le fait que, bien que la culture soit nécessaire à la vie humaine, chaque individu est potentiellement un ennemi de la culture.
Thèse de Freud : il faut mettre en place des dispositifs afin de protéger la culture des pulsions individuelles qui tendraient à la détruire, car tous les hommes ont intérêt à l'existence de la culture puisque c'est elle qui leur permet de satisfaire leurs besoins.
Plan du texte : Freud commence dans un premier temps ("La culture humaine […] de biens accessibles.") par définir la culture, laquelle, selon lui, présente "deux faces" : d'un côté tous les éléments qui permettent de dominer la nature et de satisfaire les besoins humains, et d'un autre côté tous les éléments qui permettent aux hommes de vivre en société. Puis dans un second temps ("Ces deux orientations […] d'intérêt humain universel."), Freud démontre que ces deux composantes de la culture sont dépendantes l'une de l'autre, et ce pour au moins trois raisons. Il termine en développant de manière plus précise la nécessité pour la culture de se protéger elle-même contre les pulsions destructrices des individus.
 
Développement
 
I.                   Première partie : "La culture humaine […] de biens accessibles."
 

  Sommairement définie, la culture consiste selon Freud en tout ce qui distingue l'homme de l'animal ; la culture, c'est donc tout ce qui a permis à l'homme de s'éloigner de l'animalité, autrement dit de la nature (Freud relaie ici le préjugé, admis à son époque, selon lequel les animaux sont dénués de culture). Par ailleurs, Freud ne fait pas de distinction entre les termes de "culture" et de "civilisation". Traditionnellement, la "culture", qui vient du latin colere (prendre soin, cultiver), s'oppose à la nature. Elle renvoie à l'ensemble des activités et productions permettant à l'homme de s'arracher à la nature. La civilisation, quant à elle, est un néologisme d'origine française, apparu au XVIIIe siècle, désignant le processus même par lequel les sociétés humaines progressent, se développent, grâce aux avancées des connaissances mais  aussi aux améliorations morales. Par la suite, un certain nombre d'auteurs germaniques ont rejeté l'idéal de la "civilisation" hérité des Lumières et de la révolution française, en lui préférant la notion à leurs yeux plus allemande de "culture". En niant la distinction entre culture et civilisation, Freud condamne donc le nationalisme de ces auteurs germaniques.
  Plus précisément, la culture comprend deux composantes essentielles :

 
  1. Composante n°1 : l'ensemble des savoirs et des savoir-faire (technique) que les hommes ont acquis afin de dominer la nature, et ainsi pouvoir en tirer les biens nécessaires à la satisfaction de leurs besoins (pulsions).
  2. Composante n°2 : Tous les dispositifs nécessaires pour régler les relations humaines = l'ensemble des règles (lois, règles morales, etc.) et des institutions permettant de les faire respecter (forces de l'ordre, institution judiciaire avec des tribunaux, etc.). Ces dispositifs concernent notamment la "répartition des biens" produits entre les hommes (exemple : instauration du droit de propriété).
 
II.                Deuxième partie : "Ces deux orientations […] d'intérêt humain universel."
 
 Freud va montrer que les deux composantes de la culture sont dépendantes l'une de l'autre, et ce pour au moins trois raisons :
 
  1. La satisfaction des besoins humains, qui passe par la production de biens, et qui dépend donc des savoirs et savoir-faire (composante n°1 de la culture) conditionne les relations que les membres de la société ont entre eux. En effet, dans une société où il y a abondance de biens (par exemple parce que la productivité agricole liée au progrès technique est très grande) il est facile pour les individus de satisfaire leurs pulsions (= "satisfaction pulsionnelle") et il n'y a pas, ou en tout cas moins, de raison pour que les individus entrent en conflit. En revanche, s'il y a pénurie de biens, les individus auront tendance à se disputer les biens existants. Les dispositifs mis en place pour régler les relations humaines (composante n°2 de la culture) ne seront pas les mêmes dans les deux situations, ce qui prouve que la composante n°2 est dépendante de la composante n°1 (on pourrait ajouter que de ce point de vue, la composante n°1 est elle aussi dépendante de la composante n°2, puisque la manière dont une société règle les relations entre les individus qui la composent a une influence sur leur capacité à produire des biens).
  2. Un certain nombre de satisfactions pulsionnelles utilisent un autre individu comme objet. C'est le cas des pulsions sexuelles (j'ai besoin d'un(e) partenaire pour faire l'amour), mais aussi des pulsions de faim ou de soif (je peux faire cultiver mon potager par quelqu'un d'autre). Puisque la satisfaction de ces pulsions implique une relation entre deux (ou plus) individus, il faut mettre en place des dispositifs permettant de régler cette relation.
Exemple : une règle, morale ou juridique, qui instaure le droit d'avoir des relations sexuelles uniquement entre personnes mariées. Une règle qui interdit le viol, etc.
La composante n°1 est donc cette fois-ci dépendante de la composante n°2.
  1. Tout homme, parce qu'il cherche à satisfaire ses propres besoins (pulsions), est "virtuellement un ennemi de la culture", d'où la nécessité de dispositifs spécifiques afin de protéger la culture (composante n°2). Mais là encore, cette opposition à la culture (la force des pulsions destructrices) sera d'autant plus grande que les biens offerts à la satisfaction des pulsions individuelles seront moins nombreux (et que les individus seront donc moins satisfaits). De plus, le potentiel destructeur des pulsions individuelles sera d'autant plus grand que les moyens mis à disposition par la culture seront (un individu qui veut détruire la culture le fera plus facilement s'il a à sa disposition une bombe atomique plutôt qu'un simple couteau). D'où à nouveau une dépendance de la composante n°2 à l'égard de la composante n°1.
 
III.             Troisième partie : "Il est remarquable que les hommes […] et à produire des biens."
 
 La double dimension de la culture explique pour Freud le sentiment ambivalent que l'individu possède à l'égard de la culture.
 Dans la mesure où la culture permet aux hommes de subvenir plus facilement à leurs besoins naturels (faim, soif, etc.) et où elle les protège contre les dangers de la nature, ceux-ci sont forcés de reconnaître son utilité.
→ il y a un intérêt collectif de la culture ; tous les hommes y trouvent un intérêt (la culture est "d'intérêt universel").
 Mais dans la mesure où la culture implique des règles auxquelles chacun se doit d'obéir, elle oblige les individus à renoncer à un certain nombre de leurs pulsions : toute culture doit nécessairement s'édifier sur la contrainte et le renoncement pulsionnel (en clair, il n'est pas possible de faire tout ce que l'on veut). Comme telle, elle implique des sacrifices de la part des individus et est donc ressentie comme une contrainte. Freud fait donc état d'une forme de paradoxe : les hommes ne sont pas capables de vivre seuls, mais en même temps, ils ne supportent pas les contraintes liées à la vie en société. Comme l'écrit Freud :
 
"Il est remarquable que les hommes, si tant est qu'ils puissent exister dans l'isolement, ressentent néanmoins comme une pression pénible les sacrifices que la culture attend d'eux pour permettre une vie en commun."
 
Étant donné que la culture s'oppose à la liberté des individus, il existe une opposition entre l'individu et la société. Selon lui, il existe chez tous les hommes des tendances destructives, donc antisociales et anticulturelles, qui sont, chez un grand nombre de personnes, suffisamment fortes pour déterminer leur comportement dans la société humaine. C'est pourquoi la culture doit être protégée contre l'individu qui souhaiterait la voir disparaître afin d'assouvir toutes ses pulsions. Pour ce faire, les hommes ont mis en place des dispositifs
 
En résumé : la culture permet la domination de la nature ; elle est donc utile à tous. Mais la vie en communauté implique des règles et donc le renoncement à la satisfaction d'un certain nombre de pulsions pour l'individu.
→ l'individu est frustré et ressent la culture comme une contrainte dont il veut se débarrasser.
Pour se maintenir, la culture doit donc se protéger contre les forces pulsionnelles des individus qui, si elles s'exprimaient pleinement, tendraient à la détruire.

Date de création : 08/10/2011 @ 19:57
Dernière modification : 08/07/2012 @ 10:47
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