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Car quoi de plus excusable que la violence pour faire triompher la cause opprimée du droit ?   Alexis de Tocqueville


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Hors des sentiers battus
L'évolution du langage
 "Il est à remarquer, et c'est un fait extrêmement curieux, que les causes qui expliquent la formation des langues différentes expliquent aussi la formation des espèces distinctes ; ces causes peuvent se résumer en un seul mot : le développement graduel ; et les preuves à l'appui sont exactement les mêmes dans les deux cas [1]. Nous pouvons, toutefois, remonter plus près de l'origine de bien des mots que de celle des espèces, car nous pouvons saisir, pour ainsi dire, sur le fait la transformation de certains sons en mots, lesquels ne sont après tout que des imitations de ces sons. Nous rencontrons dans des langues distinctes, des homologies frappantes dues à la communauté de descendance, et des analogies dues à un procédé semblable de formation. L'altération de certaines lettres ou de certains sons, produite par la modification d'autres lettres ou d'autres sons, rappelle la corrélation, la croissance. Dans les deux cas, langues et espèces, nous observons la réduplication des parties, les effets de l'usage longtemps continué, et ainsi de suite. La présence fréquente de rudiments, tant dans les langues que dans les espèces, est encore plus remarquable. Dans l'orthographe des mots, il reste souvent des lettres représentant des rudiments d'anciennes prononciations. Les langues, comme les êtres organisés, peuvent se classer en groupes subordonnés ; on peut aussi les classer naturellement selon leur dérivation, ou artificiellement, d'après d'autres caractères. Les langues et les dialectes dominants se répandent rapidement et amènent l'extinction d'autres langages. De même qu'une espèce, une langue une fois éteinte ne reparaît jamais"
 
Darwin, La descendance de l'homme et la sélection sexuelle, 1871, Chapitre III, tr. fr. Edmond Barbier.
 
 "The formation of different languages and of distinct species, and the proofs that both have been developed through a gradual process, are curiously parallel. But we can trace the formation of many words further back than that of species, for we can perceive how they actually arose from the imitation of various sounds. We find in distinct languages striking homologies due to community of descent, and analogies due to a similar process of formation. The manner in which certain letters or sounds change when others change is very like correlated growth. We have in both cases the re-duplication of parts, the effects of long-continued use, and so forth. The frequent presence of rudiments, both in languages and in species, is still more remarkable. The letter m in the word am, means I ; so that in the expression I am, a superfluous and useless rudiment has been retained. In the spelling also of words, letters often remain as the rudiments of ancient forms of pronunciation. Languages, like organic beings, can be classed in groups under groups; and they can be classed either naturally according to descent, or artificially by other characters. Dominant languages and dialects spread widely, and lead to the gradual extinction of other tongues. A language, like a species, when once extinct, never, as Sir C. Lyell remarks, reappears."

 

Darwin, Descent of man, and selection in relation to sex, 1871, Chapter 3.

[1] Voyez l'intéressant parallélisme entre le développement des espèces et celui des langages, établi par sir C. Lyell, The Geological Evidences of the Antiquity of Man, 1863, chap. xxiii.


 "Les différences entre les langues, comme les différences entre les espèces, sont le résultat de trois processus qui agissent sur de longues durées. Un processus est la variation ou mutation, dans le cas des espèces ; l'innovation linguistique pour les langues. Le deuxième processus est l'hérédité, ce qui fait que les descendants ressemblent à leurs progéniteurs dans ces variations ou mutations – c'est l'héritage génétique en ce qui concerne les espèces ; l'aptitude à apprendre, en ce qui concerne les langues. Le troisième processus est l'isolation, par la géographie, les cycles ou l'anatomie reproductifs, en ce qui concerne les espèces ; la migration ou les barrières sociales pour ce qui est des langues. Dans les deux cas, des populations isolées accumulent des ensembles différents de variations et de ce fait divergent avec le temps. Pour comprendre pourquoi il y a plus qu'une langue, il nous faut donc comprendre les effets de l'innovation, de l'apprentissage et de l'innovation."
 
Steven Pinker, L'instinct du langage, 1994, tr. fr. Marie-France Desjeux, Odile Jacob, 1999, p. 240.
 
 "Differences among languages, like differences among species, are the effects of ... processes acting over long spans of time. One process is variation — mutation, in the case of species; linguistic innovation, in the case of languages. The second is heredity, so that descendants resemble their progenitors in these variations - genetic inheritance, in the case of species; the ability to learn, in the case of languages. The third is isolation - by geography, breeding season, or reproductive anatomy, in the case of species; by migration or social barriers, in the case of languages. In both cases, isolated populations accumulate separate sets of variations and hence diverge over time. To understand why there is more than one language, then, we must understand the effects of innovation, learning, and migration."
 
Steven Pinker, The language instinct, 1994, William Morrow and Company, Inc., New York, pp. 241-242.


 "La réanalyse[1], qui est produite par la créativité combinatoire discrète de l'instinct du langage, casse en partie l'analogie entre les modifications du langage d'un côté, et l'évolution biologique et culturelle à l'opposé. Beaucoup d'innovations linguistiques n'apparaissent pas comme des mutations, des dérives, des érosions ou dés emprunts au hasard. Ce sont plutôt comme des légendes ou des histoires drôles, embellies, améliorées ou retravaillées à chaque redite. C'est pourquoi, même si les grammaires se modifient rapidement au fil de l'histoire, elles ne dégénèrent pas, car la réanalyse est une source inépuisable de complexité nouvelle. Il est également impossible qu'elles se différencient progressivement, car les grammaires peuvent s'insérer dans les créneaux offerts par la grammaire universelle présente dans l'esprit de chacun. De plus, une seule modification dans une langue peut causer un déséquilibre qui est susceptible d'entraîner une cascade d'autres modifications ailleurs, comme une chute de dominos. N'importe quelle partie de la langue peut être modifiée."
 
Steven Pinker, L'instinct du langage, 1994, tr. fr. Marie-France Desjeux, Odile Jacob, 1999, p. 243.
 
 "Reanalysis, a product of the discrete combinatorial creativity of the language instinct, partly spoils the analogy between language change on the one hand and biological and cultural evolution on the other. Many linguistic innovation are not like random mutation, drift, erosion, or borrowing. They are more like legends or jokes that are embellished or improved or reworked with each retelling. That is why, although grammars change quickly through history, they do not degenerate, for reanalysis is an inexhaustible source of new complexity. Nor must they progressively differentiate, for grammars can hop among the grooves made available by the universal grammar in every one's mind. Moreover, one change in a language can cause an imbalance that can trigger a cascade of other changes elsewhere, like falling dominoes. Any part of a language can change."
 
Steven Pinker, The language instinct, 1994, William Morrow and Company, Inc., New York, p. 244.

[1] Réanalyser le discours : l'interpréter comme provenant d'une entrée de dictionnaire différente ou d'une règle différente de celles que le locuteur utilisait effectivement. Exemple : entendre "comme une vache espagnole" là où il était dit "comme un basque espagnol".

Date de création : 03/05/2013 @ 14:27
Dernière modification : 07/06/2013 @ 12:21
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