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Hors des sentiers battus
Le scientisme

  "Le monde véritable que la science nous révèle est de beaucoup supérieur au monde fantastique créé par l'imagination. On eût mis l'esprit humain au défi de concevoir les plus étonnantes merveilles, on l'eût affranchi des limites que la réalisation impose toujours à l'idéal, qu'il n'eût pas osé concevoir la millième partie des splendeurs que l'observation a démontrées. Nous avons beau enfler nos conceptions, nous n'enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. N'est-ce pas un fait étrange que toutes les idées que la science primitive s'était formées sur le monde nous apparaissent étroites, mesquines, ridicules, auprès de ce qui s'est trouvé véritable ? La terre semblable à un disque, à une colonne, à un cône, le soleil gros comme le Péloponnèse, ou conçu comme un simple météore s'allumant tous les jours, les étoiles roulant à quelques lieues sur une voûte solide, des sphères concentriques, un univers fermé, étouffant, des murailles, un cintre étroit contre lequel va se briser l'instinct de l'infini. Au-delà, il est vrai, était le monde des anges avec ses éternelles splendeurs ; mais là encore, quelles étroites limites, quelles conceptions finies ! Le temple de notre Dieu n'est-il pas agrandi depuis que la science nous a découvert l'infinité des mondes ?... Disons donc sans crainte que, si le merveilleux de la fiction a pu jusqu'ici sembler nécessaire à la poésie, le merveilleux de la nature, quand il sera dévoilé dans toute sa splendeur, constituera une poésie mille fois plus sublime, une poésie qui sera la réalité même, qui sera à la fois science et philosophie."

 

Ernest Renan, L'Avenir de la science, V, 1890.



  "Il est inadmissible de dire que la science est un domaine de l'activité intellectuelle humaine, que la religion et la philosophie en sont d'autres, de valeur au moins égale, et que la science n'a pas à intervenir dans les deux autres, qu'elles ont toutes la même prétention à la vérité, et que chaque être humain est libre de choisir d'où il veut tirer ses convictions et où il veut placer sa foi. Une telle conception passe pour particulièrement distinguée, tolérante, compréhensive et libre de préjugés étroits. Malheureusement, elle n'est pas soutenable, elle participe à tous les traits nocifs d'une Weltanschauung[1] absolument non scientifique et lui équivaut pratiquement. Il est évident que la vérité ne peut être tolérante, qu'elle n'admet ni compromis ni restriction, que la recherche considère tous les domaines de l'activité humaine comme les siens propres et qu'il lui faut devenir inexorablement critique lorsqu'une autre puissance veut en confisquer une part pour elle-même".

 

Freud, Nouvelles Conférences d'introduction à la psychanalyse, 1933, XXXVe conférence, tr. fr. Rose-Marie Zeitlin, Folio essais, 2000, p. 214.


[1] Weltanschauung : vision du monde.


 

  "Aucun grand savant ne peut être qualifié de scientiste. Ils se sont tous montrés sceptiques et prudents à l'égard de la science. Ils savaient que nous savons peu de choses. Par exemple, on ne voit guère comment le reproche de scientisme pourrait s'adresser à Henri Poincaré. Newton qui fut l'un des plus grands hommes et sans doute le plus grand savant de tous les temps se décrivait lui-même comme un petit garçon qui ramassait des pierres et des coquillages sur la plage, presque sans s'apercevoir que s'étendait devant lui un immense domaine inconnu, la mer. Je pense que tous les véritables savants se sont considérés un peu comme Newton : ils savaient que nous ne savions rien, et que même dans le champ déjà labouré par la science, tout demeure incertain. Comme vous le savez tous, la théorie de Newton a été plus ou moins supplantée par celle d'Einstein. C'est ainsi que les choses se passent en science.
  Jusqu'à il y a cent ans environ, on a cru que le domaine de la mécanique découvert par Newton engloberait tout le domaine de la science. Or, en 1890, un domaine nouveau apparut avec la découverte de l'électron par J.J. Thompson : l'électronique. Cela a entraîné une révolution dont presque personne ne s'est rendu compte en dehors du monde scientifique : la révolution de l'électronique dans laquelle nous vivons encore aujourd'hui. Cette révolution a connu différentes phases, sur lesquelles je ne reviendrai pas ici. Je tiens seulement à rappeler que la science est un ouvrage humain et qu'en tant qu'ouvrage humain elle n'est pas infaillible. Et c'est précisément la conscience de l'imperfection de la science qui distingue le savant du scientiste. En effet, si le scientisme représente quelque chose, c'est la croyance aveugle et dogmatique en la science. Or cette croyance aveugle est étrangère au véritable savant. Et c'est pourquoi le reproche de scientisme s'adresse peut-être à certaines conceptions vulgaires de la science, mais ne peut pas toucher les savants eux-mêmes".

 

Karl Popper, L'Avenir est ouvert, 1983, trad. J. Étoré, Champs Flammarion, 1995, p. 58-59.

 

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Date de création : 27/05/2014 @ 06:33
Dernière modification : 30/11/2021 @ 19:49
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