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Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
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Hors des sentiers battus
Actions rationnelles et actions irrationnelles

  "149. Tout phénomène social peut être envisagé sous deux aspects, c'est-à-dire comme il est en réalité ou tel qu'il se présente à l'esprit de certains hommes. Nous appellerons le premier aspect : objectif, le second : subjectif. Cette division est nécessaire, parce que nous ne pouvons mettre dans une même classe, par exemple, les opérations que le chimiste exécute dans son laboratoire, et celles de l'individu qui s'adonne à la magie, les actions qu'accomplissaient les marins grecs, ramant pour chasser leur navire sur l'eau, et les sacrifices qu'ils offraient à Poséidon pour obtenir une navigation propice. À Rome, la loi des XII Tables punissait celui qui opérait des sortilèges contre les moissons. Nous voulons distinguer cette action de celle qui consiste à incendier les moissons.
  Les noms donnés à ces deux classes ne doivent pas nous induire en erreur. En réalité, elles sont toutes les deux subjectives ; parce  que toute connaissance humaine est subjective. Elles se distinguent, non par une différence de nature, mais par une somme plus ou moins grande de connaissances des faits. Nous savons — ou croyons savoir — que les sacrifices à Poséidon n'ont aucune influence sur la navigation. Nous les séparons donc d'autres actions qui, d'après nos connaissances, peuvent avoir une influence sur la navigation. Si l'on venait à découvrir, un jour, que nous nous trompons, et que les sacrifices à Poséidon sont très utiles pour obtenir une navigation favorable, il faudrait replacer ces sacrifices parmi les autres actions qui ont ce caractère. À vrai dire, tout cela n'est qu'un pléonasme et revient à affirmer que l'individu qui établit une classification, la fait d'après les connaissances qu'il possède. On ne comprend pas comment il pourrait en être autrement.

  150. Il y a des actions qui sont des moyens appropriés au but, et qui s'unissent logiquement à ce but. Il en est d'autres auxquelles ce caractère fait défaut. Ces deux classes d'actions sont très différentes, suivant qu'on les considère sous leur aspect objectif ou sous leur aspect subjectif. Sous ce dernier aspect, presque toutes les actions humaines font partie de la première classe. Pour les marins grecs, les sacrifices à Poséidon et l'action de ramer étaient des moyens également logiques de naviguer.
  Il convient de donner des noms à ces classes d'actions, afin d'éviter des longueurs qui deviendraient fastidieuses. […] Ces classes doivent être étudiées directement, et leur nom n'est qu'une étiquette quelconque servant à les indiquer. Cela dit une fois pour toutes, nous appellerons « actions logiques », les opérations qui sont logiquement unies à leur but, non seulement par rapport au sujet qui accomplit ces opérations, mais encore pour ceux qui ont des connaissances plus étendues ; c'est-à-dire les actions ayant subjectivement et objectivement le sens expliqué plus haut. Les autres actions seront dites « non-logiques » ; ce qui ne signifie pas illogiques."

 

Vilfredo Pareto, Traité de sociologie générale, 1917, Chapitre II, §. 149-150, Payot, p. 66-67.

 

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Date de création : 01/01/2018 @ 13:44
Dernière modification : 01/01/2018 @ 13:46
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