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Là où se lève l'aube du bien, des enfants et des vieillards périssent, le sang coule.   Vassili Grossman


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Hors des sentiers battus
Animal, bête, brute

  "ANIMAL, BRUTE, (Grammaire) Bête se prend souvent par opposition à homme ; ainsi on dit : l'homme a une âme, mais quelques philosophes n'en accordent point aux bêtes. Brute est un terme de mépris qu'on n'applique aux bêtes et à l'homme qu'en mauvaise part. Il s'abandonne à toute la fureur de son penchant, comme la brute. Animal est un terme générique qui convient à tous les êtres organisés vivants : l'animal vit, agit, se meut de lui-même, etc. Si on considère l'animal comme pensant, voulant, agissant, réfléchissant, etc. on restreint sa signification à l'espèce humaine ; si on le considère comme borné dans toutes les fonctions qui marquent de l'intelligence et de la volonté, et qui semblent lui être communes avec l'espèce humaine, on le restreint à bête. Si on considère la bête dans son dernier degré de stupidité, et comme affranchie des lois de la raison et de l'honnêteté, selon lesquelles nous devons régler notre conduite, nous l'appelons brute."

 

Denis Diderot, article "Bête" de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, volume I, 1751.

 

"Bête, animal, brute (Grammaire). Bête se prend souvent par opposition à homme; ainsi on dit : l'homme à une âme, mais quelques philosophes n'en accordent point aux bêtes. Brute est un terme de mépris qu'on n'applique aux bêtes et à l'homme qu'en mauvaise part. Il s'abandonne à toute la fureur de son penchant comme la brute. Animal est un terme générique qui convient à tous les êtres organisés vivants : l'animal vit, agit, se meut de lui-même, etc. Si on considère l'animal comme pensant, voulant, agissant, réfléchissant, etc., on restreint sa signification à l'espèce humaine; si on le considère comme borné dans toutes les fonctions qui marquent de l'intelligence et de la volonté, et qui semblent lui être communes avec l'espèce humaine, on le restreint à la bête : si l'on considère la bête dans son dernier degré de stupidité, et comme affranchie des lois de la raison et de l'honnêteté selon lesquelles nous devons régler notre conduite, nous l'appelons brute.
   On ne sait si les bêtes sont gouvernées par les lois générales du mouvement, ou par une motion particulière : l'un et l'autre sentiment a ses difficultés. Si elles agissent par une motion particulière, si elles pensent, si elles ont une âme, etc., qu'est-ce que cette âme ? On ne peut la supposer matérielle : la supposera-t-on spirituelle ? Assurer qu'elles n'ont point d'âme, et qu'elles ne pensent point, c'est les réduire à la qualité de machines; à quoi l'on ne semble guère plus autorisé qu'à prétendre qu'un homme dont on n'entend pas la langue est un automate. L'argument qu'on tire de la perfection qu'elles mettent dans leurs ouvrages est fort; car il semblerait, à juger de leurs premiers pas, qu'elles devraient aller fort loin; cependant toutes s'arrêtent au même point, ce qui est presque le caractère machinal. Mais celui qu'on tire de l'uniformité de leurs productions ne me paraît pas tout à fait aussi bien fondé. Les nids des hirondelles et les habitations des castors ne se ressemblent pas plus que les maisons des hommes. Si une hirondelle place son nid dans un angle, il n'aura de circonférence que l'arc compris entre les côtés de l'angle; si elle l'applique au contraire contre un mur, il aura pour mesure la demi-circonférence. Si vous délogez les castors de l'endroit où ils sont, et qu'ils aillent s'établir ailleurs, comme il n'est pas possible qu'ils rencontrent le même terrain, il y aura nécessairement variété dans les moyens dont ils useront, et variété dans les habitations qu'ils se construiront.

   Quoi qu'il en soit, on ne peut penser que les bêtes aient avec Dieu un rapport plus intime que les autres parties du monde matériel; sans quoi, qui de nous oserait sans scrupule mettre la main sur elles, et répandre leur sang ? Qui pourrait tuer un agneau en sûreté de conscience ? Le sentiment qu'elles ont, de quelque nature qu'il soit, ne leur sert que dans le rapport qu'elles ont entre elles, ou avec d'autres êtres particuliers, ou avec elles-mêmes. Par l'attrait du plaisir elles conservent leur être particulier; et par le même attrait elles conservent leur espèce. J'ai dit attrait du plaisir, au défaut d'une autre expression plus exacte; car si les bêtes étaient capables de cette même sensation que nous nommons plaisir, il y aurait une cruauté inouïe à leur faire du mal; elles ont des lois naturelles, parce qu'elles sont unies par des besoins, des intérêts, etc.; mais elles n'en ont point de positives, parce qu'elles ne sont point unies par la connaissance. Elles ne semblent pas cependant suivre invariablement leurs lois naturelles; et les plantes, en qui nous n'admettons ni connaissance ni sentiment, y sont plus soumises.
  Les bêtes n'ont point les suprêmes avantages que nous avons; elles en ont que nous n'avons pas : elles n'ont pas nos espérances, mais elles n'ont pas nos craintes; elles subissent comme nous la mort, mais c'est sans la connaître; la plupart même se conservent mieux que nous, et ne font pas un aussi mauvais usage de leurs passions."


Denis Diderot, article "Bête" de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, volume I, 1751.


 

  "La langue latine classique a trois façons de nommer les vivants qui respirent. Bellua signifie « bête », par opposition à « homme ». Le mot accentue parfois la grandeur, la férocité, l'inintelligence, et peut servir d'insulte : être bête, imbécile. Il est d'emploi plus noble que bestia, terme populaire, qui désigne toute espèce d'animal, sauvage ou domestique. D'un usage moins familier, pour les grammairiens et les juristes, bestia dénomme plutôt les animaux féroces. Mais bestia sert aussi d'injure, non pas au sens d' « être bête », mais au sens d' « être une bête », un être bestial. Animal, enfin, qui signifie « être vivant », vient d'animalis, « qui respire », lequel vient d'animans, « qui possède le souffle », ces mots traduisant le grec empsuchon et psuchè. On emploie souvent animal par opposition à « homme ». Dans la langue de l'Église, animalis s'oppose à spiritualis. Puis, dans le latin des philosophes et des savants, on trouvera bruta animalia ou simplement bruta, l'adjectif brutus signifiant « lourd », physiquement et moralement."

 

Elisabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes, I, note 18, 1998, Champs essais, 2013, p. 29.
 

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Date de création : 07/09/2020 @ 06:54
Dernière modification : 08/09/2020 @ 08:39
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