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Texte à méditer :  Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes.  Heinrich Heine
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Hors des sentiers battus
Pourquoi croire ; à quoi sert la religion ?

  "Si on veut se rendre compte de l'essence grandiose de la religion, il faut se représenter ce qu'elle entreprend d'accomplir pour les hommes. Elle les informe sur l'origine et la constitution du monde, elle leur assure protection et un bonheur fini dans les vicissitudes de la vie, elle dirige leurs opinions et leurs actions par des préceptes qu'elle soutient de toute son autorité. Elle remplit donc trois fonctions. Par la première, elle satisfait le désir humain de savoir, elle fait la même chose que ce que la science tente avec ses propres moyens, et entre ici en rivalité avec elle. C'est à sa deuxième fonction qu'elle doit sans doute la plus grande partie de son influence. Lorsqu'elle apaise l'angoisse des hommes devant les dangers et les vicissitudes de la vie, lorsqu'elle les assure d'une bonne issue, lorsqu'elle leur dispense de la consolation dans le malheur, la science ne peut rivaliser avec elle. Celle-ci enseigne, il est vrai, comment on peut éviter certains dangers, combattre victorieusement bien des souffrances; il serait très injuste de contester qu'elle est pour les hommes une puissante auxiliaire, mais dans bien des situations, elle doit abandonner l'homme à sa souffrance et ne sait lui conseiller que la soumission. C'est dans sa troisième fonction, quand elle donne des préceptes, qu'elle édicte des interdits et des restrictions, que la religion s'éloigne le plus de la science."

 

Sigmund Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 1932, XXXVe conférence : "Sur une Weltanschauung", tr. fr. Rose-Marie Zeitling, Folio essais, 1989, p. 215-216.

 

  "Pour bien se représenter le rôle immense de la religion, il faut envisager tout ce qu'elle entreprend de donner aux hommes : elle les éclaire sur l'origine et la formation de l'univers, leur assure, au milieu des vicissitudes de l'existence, la protection divine et la béatitude finale, enfin elle règle leurs opinions et leurs rites en appuyant ses prescriptions de toute son autorité. Ainsi remplit-elle une triple fonction. En premier lieu, tout comme la science, mais par d'autres procédés, elle satisfait la curiosité humaine, et c'est d'ailleurs par là qu'elle entre en conflit avec la science. C'est sans doute à sa seconde mission que la religion doit la plus grande partie de son influence. La science en effet ne peut rivaliser avec elle quand il s'agit d'apaiser la crainte de l'homme devant les dangers et les hasards de la vie, ou de lui apporter quelque consolation dans les épreuves. La science enseigne, il est vrai, à éviter certains périls, à lutter victorieusement contre certains maux : impossible de nier l'aide qu'elle apporte aux humains, mais dans bien des cas elle ne peut supprimer la souffrance, et doit se contenter de leur conseiller la résignation. C'est du fait de sa troisième fonction, c'est-à-dire quand elle formule des préceptes, des interdictions, des restrictions que la religion s'éloigne le plus de la science."

 

Sigmund Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 1932, 7e conférence : "D'une conception de l'univers.", tr. fr. Anne Berman, Gallimard nrf, coll. Idées, 1971, p. 212-213.


 

  "Considérez l'idée même de Dieu. Nous ne savons pas comment elle est arrivée dans le pool mémique[1]. Elle tire probablement son origine de nombreuses « mutations » indépendantes. En tout cas, elle est évidemment très ancienne. Comment se réplique-t-elle ? Par la tradition orale et écrite, avec, en plus, la grande musique et les arts. Pourquoi a-t-elle une valeur de survie si élevée ? Rappelez-vous que « valeur de survie » ne signifie pas ici la valeur d'un gène dans le pool génique, mais la valeur d'un mème dans le pool mémique. La question signifie en réalité : qu'est-ce qui dans l'idée même de Dieu lui donne sa stabilité et un tel pouvoir de pénétration dans l'environnement culturel ? La valeur de survie du mème Dieu dans le pool mémique provient de son énorme attrait psychologique. Il fournit une réponse superficiellement plausible à des questions profondes et troublantes sur l'existence. Il suggère que les injustices de ce monde peuvent être rectifiées dans l'autre. Les « bras éternels » forment un écran protecteur face à nos incapacités qui, comme le placebo d'un médecin, n'en sont pas moins efficaces, même s'ils sont imaginaires. Ce sont quelques-unes des raisons pour lesquelles l'idée de Dieu a été si expressément copiée par des générations de cerveaux individuels. Dieu existe même s'il n'a que la forme d'un mème ayant une valeur de survie élevée ou... un pouvoir infectieux très virulent dans l'environnement fourni par la culture humaine."

 

Richard Dawkins, Le gène égoïste, 1976, tr. fr. Laura Ovion, Odile Jacob poches, 2003, p. 262.

 

  "Consider the idea of God. We do not know how it arose in the meme pool. Probably it originated many times by independent ‘mutation'. In any case, it is very old indeed. How does it replicate itself ? By the spoken and written word, aided by great music and great art. Why does it have such a high survival value ? Remember that ‘survival value' here does not mean value for a gene in a gene pool, but value for a meme in a meme pool. The question really means: What is it about the idea of a god that gives it its stability and penetrance in the cultural environment ? The survival value of the god meme in the meme pool results from its great psychological appeal. It provides a superficially plausible answer to deep and troubling questions about existence. It suggests that injustices in this world may be rectified in the next. The ‘everlasting arms' hold out a cushion against our own inadequacies which, like a doctor's placebo, is none the less effective for being imaginary. These are some of the reasons why the idea of God is copied so readily by successive generations of individual brains. God exists, if only in the form of a meme with high survival value, or infective power, in the environment provided by human culture".

 

Richard Dawkins, The selfish gene, 1976, Oxford University Press, 2006, pp. 192-193.


[1] "Mème" est un mot inventé par Richard Dawkins pour désigner une "unité d'information contenue dans un cerveau, échangeable au sein d'une société" ; un mème est élément culturel répliqué et transmis de cerveau en cerveau, par l'imitation d'un comportement d'un individu par d'autres individus. Le "pool mémique" désigne quant à lui l'ensemble des mèmes présents dans une population humaine donnée, et qui tentent de se reproduire.

 

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Date de création : 15/11/2022 @ 16:45
Dernière modification : 15/11/2022 @ 16:49
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