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Texte à méditer :  Soyez philosophe ; mais, au milieu de toute votre philosophie, soyez toujours un homme.  David Hume
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Hors des sentiers battus
L'évolution des diverses formes de la violence

  "L'histoire des anciennes violences politiques ne peut pas être envisagée comme une collection de faits exceptionnels. Elles ne peuvent être confondues avec, mettons, les révolutions du XIXe siècle qui faisaient irrup­tion dans le jeu ordinaire des institutions et venaient apporter un bouleversement des gouvernements. Les recours collectifs à la violence étaient trop fréquents. Ils s'autorisaient de l'autodéfense des habitants constamment armés, des traditions de petite guerre, de l'endémie guerrière de certains confins, ou bien des statuts privilégiés de certaines personnes ou de certaines provinces, etc. La violence politique était une instance possible, une ressource extrême mais encore légitime et sans doute bien éloignée de toute idée ou chance de subversion. Ces justifications et banalisations de la révolte allaient durer aussi longtemps que l'État ne serait pas en mesure de pacifier les rapports sociaux et de confisquer à son seul usage l'emploi de la force."

 

Yves-Marie Bercé, Révoltes et révolutions dans l'Europe moderne, XVIe-XVIIIe siècles, PUF, 1980, p. 253-254.


 

  "À partir de la fin du XVIIIe siècle, la torture avait progressivement disparu et, malgré la violence des affrontements politiques du XIXe siècle (par exemple, les exécutions massives de la Commune), elle n'était pas réapparue. Au XXe siècle, elle est redevenue un instru­ment courant de gouvernement. Pratiquée dans d'in­nombrables pays, son caractère clandestin fait partie de son efficacité. Elle a de moins en moins pour but de recueillir des renseignements, mais d'humilier et de bri­ser les victimes, de les terroriser, de terroriser les pro­ches, les amis, les voisins et finalement toute la société. La torture tend aussi à s'aseptiser : les tortionnaires sont de moins en moins des bouchers, mais des techni­ciens avec leurs électrodes, des médecins psychiatres avec leurs drogues, voire des spécialistes de l'action psychologique, du conditionnement, du chantage affectif ou de la privation sensorielle. Le résultat, c'est l'atomisation du champ social, la disparition de la vie publique, la défiance et la peur parmi les citoyens, le repli angoissé sur soi. Le terrorisme d'État pratique à une échelle industrielle la politique qu'Aristote attribuait au tyran et il aboutit au même résultat : la dépo­litisation de la vie."

 

Yves Michaud, La Violence, 5e édition, 1999, PUF, Que-Sais-Je ?, p. 67-68.


 

  "Une […] catégorie de déviances dont la définition s'élargit au fil des siècles concerne la violence, des comportements auparavant tolérés étant progressivement pénalisés à des degrés divers : l'époque moderne voit le surgissement progressif de la violence dans la morale publique et sa métamorphose en fait criminel. C'est durant le premier tiers du XVIe siècle que l'homicide commence à être présenté comme un crime inexpiable, passible de la justice du roi, alors qu'il était jusqu'alors soumis aux accommodements privés et largement pardonné : il s'agit dorénavant de garantir la protection et la prorogation de l'ordre social en développant un meilleur sentiment de sécurité, dans une période de très graves troubles et conflits, par conséquent d'éviter les vengeances privées. Au XVIe siècle, prendre la vie d'autrui devient réellement un forfait dans toute l'Europe, notamment en France. L'État définit de plus en plus clairement certaines formes de violence comme inadmissibles et les place au rang des crimes les plus graves : c'est d'abord le cas pour les assassinats (homicides avec préméditation), présentés comme des outrages à Dieu à travers la créature faite à son image, au souverain auquel ils dérobent un sujet, à la société à laquelle ils prennent une force de travail, ensuite pour les meurtres (homicides sans préméditation) dans leur ensemble. Puis il est de moins en moins question de tolérer certaines autres violences, comme celles des groupes de jeunes gens, ou encore celles des compagnons de métiers, toutes présentées comme des atteintes à l'ordre social, dans la mesure où elles sont considérées comme beaucoup moins graves que les meurtres et surtout que les assassinats, elles ne sont pas l'objet d'une législation aussi précise, mais seulement de décisions ponctuelles. […]
  L'infanticide (« suppression de part », le part étant l'enfant dont une femme vient d'accoucher), auparavant peu criminalisé, est présenté à partir du premier tiers du XVIe siècle comme « un crime très énorme et exécrable » ; c'est le pendant de la criminalisation contemporaine de l'homicide. Si celle-ci vise à faire se tenir tranquilles les jeunes hommes, principaux pourvoyeurs de la violence, celle de l'infanticide poursuit sans doute un but similaire envers les jeunes femmes, pour qu'elles se comportent en bonnes mères, douces, craintives et soumises. […]

  Aux XVIIIe et XIXe siècles, la criminalisation du vol connaît la même évolution que celles de l'homicide et de l'infanticide aux deux siècles précédents, et dans ce cas il ne s'agit pas non plus d'une spécificité française. Ce déplacement du processus de criminalisation indique que l'homicide n'est plus la préoccupation principale des autorités, parce que leur action intimidatrice a porté ses fruits, pensent-elles, en ne laissant qu'un petit nombre d'irréductibles ; il est également symptomatique d'une époque d'essor économique, où les biens matériels apparaissent comme de plus en plus primordiaux. Les foudres judiciaires s'abattent davantage, à partir de cette époque, sur les auteurs de larcins. […]
  Dans la seconde moitié du XIXe siècle, en effet les infractions contre les mœurs, et singulièrement contre les enfants, prennent le relais et montent progressivement jusqu'au plus haut de la hiérarchie criminelle. Cette évolution doit certainement être mise en rapport avec l'importance grandissante donnée à la vie familiale, qui finit par culminer au XXe siècle dans une véritable sacralisation de l'enfance (l' « enfant-roi »), situation que l'État prend progressivement en compte dans la législation pénale. […]
  L'évolution s'accélère au cours du XXe siècle : tandis que la sensibilité à l'égard des enfants semble s'aiguiser, on accepte de moins en moins les violences sexuelles dirigées contre eux, et la société fait de ces crimes les plus odieux et les plus graves qui soient, supplantant même le parricide. […]
  Le Code pénal de 1994 augmente aussi la répression du viol, en le redéfinissant autour de la notion d'atteinte à l'intégrité physique et morale, d'où l'élargissement des atteintes punissables (notamment avec le thème nouveau du « harcèlement sexuel ») et la mise sur un pied d'égalité juridique des hommes et des femmes. Cette évolution s'inscrit peut-être dans une tentative d'encadrement de plus en plus grand du « for privé », mais aussi dans la volonté d'éradiquer la violence cachée, après que la violence visible l'a été pour une bonne part, du moins en apparence, pendant les siècles précédents."

 

Benoît Garnot, Histoire de la justice. France, XVIe-XXIe siècle, 2009, 1ère partie, chapitre 1, Folio histoire, p. 60-66.

 

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Date de création : 10/10/2023 @ 07:43
Dernière modification : 13/12/2025 @ 08:52
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