* *

Texte à méditer :  C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher.
  
Descartes
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
La valeur du travail

    "L'économie politique ne connaît donc pas l'ouvrier sans emploi, le travailleur dans la situation d'un sans-travail. Le coquin, l'escroc, le mendiant, le travailleur qui chôme, qui meurt de faim, qui est misérable et criminel – autant de figures qui n'existent pas pour l'économie politique, mais aux seuls yeux du médecin, du juge, du fossoyeur, du prévôt des mendiants, etc. Ces fantômes ne sont pas de son domaine. Elle ne voit dans les besoins de l'ouvrier que ce qui est nécessaire à son entretien tant qu'il travaille, et ce à seule fin que la race des ouvriers ne vienne pas à s'éteindre. Le salaire a donc tout à fait la même signification que l'entretien, le maintien en bon état de tout autre instrument productif, que la consommation du capital en général pour pouvoir se reproduire avec profit. Il en est tout comme de l'huile qu'on emploie pour maintenir des rouages en bon état. Le salaire fait partie des frais nécessaires du capital et du capitaliste ; il ne doit pas dépasser les limites de cette nécessité. Aussi était-il tout à fait logique, de la part des fabricants anglais, de déduire du salaire des ouvriers les aumônes publiques que ceux-ci recevaient par l'intermédiaire de la taxe des pauvres avant l'Amendment Bill de 1834, et de les considérer comme une partie intégrante du salaire".
 

 

 

Marx, Ébauche d'une critique de l'économie politique, 1844, Avant-Propos, trad. Jean Malaquais et Claude Orsoni, in Marx, Philosophie, Folio essais, pp. 180-181.
 

 

    "Si l'on voulait déterminer la valeur du travail d'après la quantité de temps, de zèle, de bonne et de mauvaise volonté, de contrainte, d'inventivité ou de paresse, de probité ou d'hypocrisie que l'on y consacre, jamais cette évaluation ne pourrait être juste ; car c'est toute la personne qu'il faudrait mettre sur la balance, ce qui est impossible. C'est bien là le lieu de dire : Ne jugez point ! C'est pourtant bien l'appel à la justice que nous entendons aujourd'hui chez ceux qui sont mécontents de la dépréciation du travail. Si l'on y réfléchit davantage, on trouve toute personne irresponsable de ce qu'elle produit, son travail : on ne peut donc jamais en déduire un mérite, tout travail est aussi bon ou mauvais qu'il doit forcément l'être dans telle ou telle constellation nécessaire de forces et de faiblesses, de connaissances et de besoins. Il ne dépend pas de l'ouvrier de décider s'il travaillera, ni comment il travaillera. Les seuls points de vue, larges ou étroits, qui ont fondé l'estimation du travail sont ceux de l'utilité. Ce que nous appelons actuellement justice est sans doute à sa place sur ce terrain, en ce qu'elle est une utilité suprêmement raffinée qui ne se contente pas de n'avoir égard qu'au moment et d'exploiter l'occasion, mais se préoccupe de la durée de toutes les situations, et envisage aussi pour cette raison le bien de l'ouvrier, son contentement physique et moral, - afin que lui et ses descendants travaillent bien pour nos descendants aussi, et que l'on puisse compter sur eux pour de plus longues périodes que n'est une vie d'homme. L'exploitation de l'ouvrier, on le comprend maintenant, fut une sottise, un gaspillage aux dépens de l'avenir, une menace pour la société. Voici que déjà on a presque la guerre : et en tout cas, pour maintenir la paix, signer des contrats et obtenir la confiance, les frais seront désormais très grands, parce que la folie des exploitants aura été si grande et si durable".
 

 

Nietzsche, Humain, trop humain (1878), II, Le voyageur et son ombre, tr. R. Rovini, Paris, Folio essais, 1999, p. 302.


 

    "Chercher un travail pour le gain, c'est maintenant un souci commun à presque tous les habitants des pays de civilisation ; le travail leur est un moyen, il a cessé d'être un but en lui-même : aussi sont-ils peu difficiles dans leur choix pourvu qu'ils aient gros bénéfice. Mais il est des natures plus rares qui aiment mieux périr que travailler sans joie ; des difficiles, des gens qui ne se contentent pas de peu et qu'un gain abondant ne satisfera pas s'ils ne voient pas le gain des gains dans le travail même. Les artistes et les contemplatifs de toute espèce font partie de cette rare catégorie humaine, mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à voyager, à s'occuper de galants commerces ou à courir les aventures. Ils cherchent tous le travail et la peine dans la mesure où travail et peine peuvent être liés au plaisir, et, s'il le faut, le plus dur travail, la pire peine. Mais sortis de là, ils sont d'une paresse décidée, même si cette paresse doit entraîner la ruine, le déshonneur, les dangers de mort ou de maladie. Ils craignent moins l'ennui qu'un travail sans plaisir : il faut même qu'ils s'ennuient beaucoup pour que leur travail réussisse."

Nietzsche, Le gai savoir, 1882, Livre premier, § 42.



  "L'un des éléments fondamentaux de l'esprit du capitalisme, et non seulement de celui-ci, mais de la civilisation moderne elle-même, à savoir la conduite rationnelle fondée sur l'idée de Beruf, est né de l'esprit de l'ascétisme chrétien – c'est ce que notre exposé s'est efforcé de démontrer. Si nous relisons à présent le passage de Franklin cité au début de cette étude nous verrons que les éléments essentiels de l'attitude que nous avons alors appelée « esprit du capitalisme » sont précisément ceux que nous avons trouvé être le contenu de l'ascétisme puritain du métier, mais dépourvus du fondement religieux déjà fort affaibli chez Franklin. L'idée que le travail moderne est marqué du sceau de l'ascétisme n'est certes pas nouvelle. Se borner à un travail spécialisé, et par suite renoncer à l'universalité faustienne de l'homme, telle est la condition de toute activité fructueuse dans le monde moderne ; ainsi, de nos jours, « action » et « renoncement » se conditionnent fatalement l'un et l'autre. […]
  Le puritain voulait être un homme besogneux – et nous sommes forcés de l'être. Car lorsque l'ascétisme se trouva transféré de la cellule des moines dans la vie professionnelle et qu'il commença à dominer la moralité séculière, ce fut pour participer à l'édification du cosmos prodigieux de l'ordre économique moderne. Ordre lié aux conditions techniques et économiques de la production mécanique et machiniste qui détermine, avec une force irrésistible, le style de vie de l'ensemble des individus nés dans ce mécanisme – et pas seulement de ceux que concerne directement l'acquisition économique. Peut-être le déterminera-t-il jusqu'à ce que la dernière tonne de carburant fossile ait achevé de se consumer. Selon les vues de Baxter[1], le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu'à la façon d'« un léger manteau qu'à chaque instant l'on peut rejeter ». Mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d'acier."

 

Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, 1904-1905, tr. fr. Jacques Chavy, Pocket, 1994 p. 222-224.


[1] Richard Baxter (1615-1691) est un théologien anglais non-conformiste, dont les œuvres ont servi à Weber pour élaborer sa thèse.

 

Date de création : 21/03/2006 @ 16:16
Dernière modification : 16/11/2013 @ 08:43
Catégorie :
Page lue 7224 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^