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Texte à méditer :   La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand vous avez cessé d'y croire.   Philip K. Dick
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Hors des sentiers battus
Travail et capital

 "Quand la société est encore dans cet état d'enfance où il n'y a aucune division de travail, où il ne se fait presque point d'échanges et où chaque individu pourvoit lui-même à tous ses besoins, il n'est pas nécessaire qu'il existe aucun fonds accumulé ou amassé d'avance pour faire marcher les affaires de la société. Chaque homme cherche, dans sa propre industrie, les moyens de satisfaire aux besoins du moment, à mesure qu'ils se font sentir. Quand la faim le presse, il s'en va chasser dans la forêt; quand son vêtement est usé, il s'habille avec la peau du premier animal qu'il tue; et si sa hutte commence à menacer ruine, il la répare, du mieux qu'il peut, avec les branches d'arbre et la terre qui se trouvent sous sa main.
 Mais, quand une fois la division du travail est généralement établie, un homme ne peut plus appliquer son travail personnel qu'à une bien petite partie des besoins qui lui surviennent. Il pourvoit à la plus grande partie de ces besoins par les produits du travail d'autrui achetés avec le produit de son travail, ou, ce qui revient au même, avec le prix de ce produit. Or, cet achat ne peut se faire à moins qu'il n'ait eu le temps, non seulement d'achever tout à fait, mais encore de vendre le produit de son travail. Il faut donc qu'en attendant il existe quelque part un fonds de denrées de différentes espèces, amassé d'avance pour le faire subsister et lui fournir, en outre, la matière et les instruments nécessaires à son ouvrage. Un tisserand ne peut pas vaquer entièrement à sa besogne particulière s'il n'y a quelque part, soit en sa possession, soit en celle d'un tiers, une provision faite par avance, où il trouve de quoi subsister et de quoi se fournir des outils de son métier et de la matière de son ouvrage, jusqu'à ce que sa toile puisse être non seulement achevée, mais encore vendue. Il est évident qu'il faut que l'accumulation précède le moment où il pourra appliquer son industrie à entreprendre et achever cette besogne.
 Puis donc que, dans la nature des choses, l'accumulation d'un capital est un préa­lable nécessaire à la division du travail, le travail ne peut recevoir des subdivisions ultérieures qu'en proportion de l'accumulation progressive des capitaux. À mesure que le travail se subdivise, la quantité de matières qu'un même nombre de personnes peut mettre en oeuvre augmente dans une grande proportion; et comme la tâche de chaque ouvrier se trouve successivement réduite à un plus grand degré de simplicité, il arrive qu'on invente une foule de nouvelles machines pour faciliter et abréger ces tâches. À mesure donc que la division du travail devient plus grande, il faut, pour qu'un même nombre d'ouvriers soit constamment occupé, qu'on accumule d'avance une égale provision de vivres, et une provision de matières et d'outils plus forte que celle qui aurait été nécessaire dans un état de choses moins avancé. Or, le nombre des ouvriers augmente, en général, dans chaque branche d'industrie, en même temps qu'y augmen­te la division du travail, ou plutôt c'est l'augmentation de leur nombre qui les met à portée de se classer et de se subdiviser de cette manière.
 De même que le travail ne peut acquérir cette grande extension de puissance pro­duc­tive sans une accumulation préalable de capitaux, de même l'accumulation des capitaux amène naturellement cette extension. La personne qui emploie son capital à faire travailler cherche nécessairement à l'employer de manière à ce qu'il produise la plus grande quantité possible d'ouvrage; elle tâche donc à la fois d'établir entre ses ouvriers la distribution de travaux la plus convenable, et de les fournir des meilleures machines qu'elle puisse imaginer ou qu'elle soit à même de se procurer. Ses moyens pour réussir dans ces deux objets sont proportionnés, en général, à l'étendue de son capital ou au nombre de gens que ce capital peut tenir occupés. Ainsi, non seulement la quantité d'industrie augmente dans un pays en raison de l'accroissement du capital qui la met en activité, mais encore, par une suite de cet accroissement, la même quantité d'industrie produit une beaucoup plus grande quantité d'ouvrages."
 
Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776, Livre II, Introduction, tr. Fr. Germain Garnier, 1881.
 
 
 "In that rude state of society in which there is no division of labour, in which exchanges are seldom made, and in which every man provides every thing for himself, it is not necessary that any stock should be accumulated or stored up beforehand in order to carry on the business of the society. Every man endeavours to supply by his own industry his own occasional wants as they occur. When he is hungry, he goes to the forest to hunt ; when his coat is worn out, he cloaths himself with the skin of the first large animal he kills: and when his hut begins to go to ruin, he repairs it, as well as he can, with the trees and the turf that are nearest it.
 But when the division of labour has once been thoroughly introduced, the produce of a man’s own labour can supply but a very small part of his occasional wants. The far greater part of them are supplied by the produce of other mens labour, which he purchases with the produce, or, what is the same thing, with the price of the produce of his own. But this purchase cannot be made till such time as the produce of his own labour has not only been compleated, but sold. A stock of goods of different kinds, therefore, must be stored up somewhere sufficient to maintain him, and to supply him with the materials and tools of his work till such time, at least, as both these events can be brought about. A weaver cannot apply himself entirely to his peculiar business, unless there is beforehand stored up somewhere, either in his own possession or in that of some other person, a stock sufficient to maintain him, and to supply him with the materials and tools of his work, till he has not only compleated, but sold his web. This accumulation must, evidently, be previous to his applying his industry for so long a time to such a peculiar business.
3As the accumulation of stock must, in the nature of things, be previous to the division of labour, so labour can be more and more subdivided in proportion only as stock is previously more and more accumulated. The quantity of materials which the same number of people can work up, increases in a great proportion as labour comes to be more and more subdivided; and as the operations of each workman are gradually reduced to a greater degree of simplicity, a variety of new machines come to be invented for facilitating and abridging those operations. As the division of labour advances, therefore, in order to give constant employment to an equal number of workmen, an equal stock of provisions, and a greater stock of materials and tools than what would have been necessary in a ruder state of things, must be accumulated beforehand. But the number of workmen in every branch of business generally increases with the division of labour in that branch, or rather it is the increase of their number which enables them to class and subdivide themselves in this manner.
 As the accumulation of stock is previously necessary for carrying on this great improvement in the productive powers of labour, so that accumulation naturally leads to this improvement. The person who employs his stock in maintaining labour, necessarily wishes to employ it in such a manner as to produce as great a quantity of work as possible. He endeavours, therefore, both to make among his workmen the most proper distribution of employment, and to furnish them with the best machines which he can either invent or afford to purchase. His abilities in both these respects are generally in proportion to the extent of his stock, or to the number of people whom it can employ. The quantity of industry, therefore, not only increases in every country with the increase of the stock which employs it, but, in consequence of that increase, the same quantity of industry produces a much greater quantity of work."
 
Adam Smith, The wealth of nations, 1776, Book II, Introduction, pp. 349-351.



  "Dans la personne de l'ouvrier, il se révèle subjectivement que le capital, c'est l'homme qui s'est perdu complètement ; dans le capital, il se révèle objectivement que le travail, c'est l'homme vidé de sa substance humaine. Or, l'ouvrier a le malheur d'être un capital vivant, donc besogneux : pour peu qu'il ne travaille pas, il perd ses intérêts et jusqu'à son existence. En tant que capital, la valeur de l'ouvrier augmente selon l'offre et la demande ; même physiquement, son existence, sa vie, est et a été considérée comme une marchandise analogue à toute autre marchandise qui s'offre. L'ouvrier produit le capital, le capital le produit ; il se produit donc lui-même, et, en tant qu'ouvrier, en tant que marchandise, l'homme est le produit du mouvement dans son ensemble. L'homme qui n'est plus qu'un ouvrier n'aperçoit – en tant qu'ouvrier – ses qualités d'homme que dans la mesure où elles existent pour le capital qui lui est étranger. Mais comme le capital et l'homme sont étrangers l'un à l'autre, que leurs rapports sont marqués d'indifférence, d'extériorité et de contingence, il est inévitable que ce caractère étranger manifeste sa réalité. Dès lors que – nécessité ou arbitraire – le capital s'avise de ne plus exister pour l'ouvrier, celui-ci cesse d'exister pour lui-même : privé de travail, donc de salaire, n'ayant en fait d'existence humaine que celle de sa condition ouvrière, il n'a plus qu'à disparaître, qu'à mourir de faim, etc."

 Marx, Ébauche d'une critique de l'économie politique, 1844, Avant-Propos, trad. Jean Malaquais et Claude Orsoni, in Marx, Philosophie, Folio essais, pp. 179-180. 


 

    "Le journaliste : « - S'il faut une direction à l'usine, est-il indispensable que ce directeur en absorbe à lui seul tous les bénéfices ?

H. Schneider : - ça c'est autre chose! Pensez-vous qu'il ne faut pas de l'argent pour faire marcher une « boîte » comme celle-ci ? A côté du directeur, de la tête, il y a le capitaliste ! qui aboule la forte somme […]. Le capital qui alimente tous les jours les usines avec des outillages perfectionnés, le capital sans lequel rien n'est possible, qui nourrit l'ouvrier lui-même ! Ne représente-t-il donc pas une force qui doit avoir sa part de bénéfices, n'est-il pas une collaboration indispensable qu'il faut intéresser ? [...] Si vous supprimez au capital son intérêt, vous n'en trouverez plus quand vous en aurez besoin ! Ceux qui l'auront le conserveront, c'est tout simple. […]

- L'intervention de l'État ?

- Très mauvaise ! très mauvaise ! Je n'admets pas un préfet dans les grèves ; c'est comme la réglementation du travail des femmes et des enfants ; on met des entraves inutiles, trop étroites, nuisibles surtout aux intéressés qu'on veut défendre, on décourage les patrons de les employer et ça porte presque toujours à côté.

- La journée de 8 heures ?

- Oh ! Je veux bien ! dit M. Schneider, affectant un grand désintéressement, si tout le monde est d'accord ; je serai le premier à en profiter, car je travaille souvent moi-même plus de dix heures par jour... Seulement les salaires diminueront ou le prix des produits augmentera, c'est tout comme ! Au fond, voyez-vous, la journée de huit heures, c'est encore un dada [...]. Pour moi, la vérité, c'est qu'un ouvrier bien portant peut très bien faire ses dix heures par jour et qu'on doit le laisser libre de travailler davantage si cela lui fait plaisir."


Jules Huret, Enquête sur la question sociale : interview de Henri Schneider, Perrin, Paris, 1897.


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Date de création : 05/12/2006 @ 16:20
Dernière modification : 29/05/2011 @ 14:01
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