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Texte à méditer :   Un peuple civilisé ne mange pas les cadavres. Il mange les hommes vivants.   Curzio Malaparte
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Hors des sentiers battus
Art et science
  "La mission de la science est celle-ci : en constatant les rapports généraux des choses passagères et réelles, en reconnaissant les lois générales inhérentes au développement des phénomènes tant du monde physique que du monde social, elle plante pour ainsi dire les jalons immuables de la marche progressive de l'humanité, en indiquant aux hommes les conditions générales dont l'observation rigoureuse est nécessaire et dont l'ignorance ou l'oubli seront toujours fatals. En un mot, la science, c'est la boussole de la vie ; mais ce n'est pas la vie. La science est immuable, impersonnelle, générale, abstraite, insensible, comme les lois, dont elle n'est rien que la reproduction idéale, réfléchie ou mentale, c'est-à-dire cérébrale (pour nous rappeler que la science elle-même n'est rien qu'un produit matériel, d'un organe matériel de l'organisation matérielle de l'homme, le cerveau). La vie est toute fugitive et passagère, mais aussi toute palpitante de réalité et d'individualité, de sensibilité, de souffrances, de joies, d'aspirations, de besoins et de passions. C'est elle seule qui, spontanément, crée les choses et tous les êtres réels. La science ne crée rien, elle constate, et reconnaît seulement les créations de la vie. Et toutes les fois que les hommes de la science, sortant de leur monde abstrait, se mêlent de création vivante dans le monde réel, tout ce qu'ils proposent ou créent est pauvre, ridiculement abstrait, privé de sang et de vie, mort-né, pareil à l'homunculus créé par Wagner, non le musicien de l'avenir, lui-même une sorte de créateur abstrait, mais le disciple pédant de l'immortel docteur Faust de Goethe. Il en résulte que la science a pour mission unique d'éclairer la vie, non de la gouverner."
 
Bakounine, Dieu et l'État, 1882, Mille et une nuits, p. 64-65.

 
 "Quelle est l'attitude du savant face au monde ? Celle de l'ingéniosité, de l'habileté. Il s'agit toujours pour lui de manipuler les choses, de monter des dispositifs efficaces, d'inviter la nature à répondre à ses questions. Galilée l'a résumé d'un mot : l'essayeur. Homme de l'artifice, le savant est un activiste... Aussi évacue-t-il ce qui fait l'opacité des choses, ce que Galilée appelait les qualités : simple résidu pour lui, c'est pourtant le tissu même de notre présence au monde, c'est également ce qui hante l'artiste. Car l'artiste n'est pas d'abord celui qui s'exile du monde, celui qui se réfugie dans les palais abrités de l'imaginaire. Qu'au contraire l'imaginaire soit comme la doublure du réel, l'invisible, l'envers charnel du visible, et surgit la puissance de l'art : pouvoir de révélation de ce qui se dérobe à nous sous la proximité de la possession, pouvoir de restitution d'une vision naissante sur les choses et nous-mêmes. L'artiste ne quitte pas les apparences, il veut leur rendre leur densité... Si pour le savant le monde doit être disponible, grâce à l'artiste il devient habitable."
 
Maurice Merleau-Ponty, L'œil et l'esprit, 1964.

 

  "En mathématiques et dans les sciences exactes, la répétition (itération, récurrence) engendre la différence. Celle-ci induite-réduite se rapproche de l'identité formelle et le résiduel aussitôt déterminé fait l'objet d'une nouvelle analyse, plus poussée. L'enchaînement s'opère dans la transparence logique, aussi près d'elle que possible. Ainsi s'engendrent les séries numériques, du nombre 1 aux transfinis. Dans les sciences expérimentales, la permanence d'un dispositif, l'exacte répétition des conditions seules permettent d'étudier les variations et variables, les résidus.
  En musique, en poésie, la différence au contraire engendre le répétitif qui permet de la rendre effective. L'art en général et la sensibilité artistique misent sur la différence maximale, d'abord virtuelle, pressentie, anticipée, puis produite. Ils parient sur elle, ce qui se nomme « inspiration », « projet » ; ce qui motive l'œuvre nouvelle, en tant que nouvelle ; après quoi le poète, le musicien, le peintre, trouvent les moyens, les procédés, les techniques, bref la voie de la réalisation par des actes répétitifs. Souvent, le projet échoue et l'inspiration se révèle vaine : la différence posée et supposée n'était qu'illusoire, apparence incapable d'apparaître, c'est-à-dire de se produire objectivement en usant de moyens appropriés (matériaux et matériel). L'infini du projet, qui se prend aisément (subjectivement) pour l'infini du sens, avorte. L'originalité du dessein se ramenait à une redondance et sa nouveauté à une impression : à une enflure."

 

Henri Lefebvre, La production de l'espace, 1974, 4e édition, Ed. Anthropos, 2000, p. 454-455.
 

 


Date de création : 12/03/2011 @ 13:51
Dernière modification : 09/04/2014 @ 17:07
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